.L.E..T.E.X.T.E..
É
.T.R.A.N.G.E.R.
#5
___________________________________________
____
COMITÉ DE LECTURE
Line Cottegnies
La version en vers des Sonnets de Shakespeare
par Ernest Lafond (1856) :
défense de la poésie à l’âge de la prose
___________________________________________

a période romantique s'intéresse peu à Shakespeare poète, encore moins au « sonneur de sonnets », comme le nommera un de ses traducteurs tardifs, Alfred Copin [1]. Les premières traductions de ses œuvres ne comprennent généralement pas les poèmes, et il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour que ceux-ci y trouvent leur place. Lorsque Pierre Letourneur fait paraître entre 1776 et 1783 la première traduction des œuvres complètes de Shakespeare — véritable événement littéraire en 20 volumes, chez la Veuve Duchesne —, il en exclut tous les poèmes, sans même s'en justifier. François Guizot et Amédée Pichot dans leur édition révisée de cette même traduction, parue en 1821 (treize volumes, distribués par souscription chez Ladvocat) incluent certes une traduction en prose (œuvre du seul Pichot) de « La Mort de Lucrèce » et de « Vénus et Adonis », mais seulement un maigre choix de six sonnets rendus en prose (vol. 1). Les deux autres traductions de la première moitié du XIXe siècle, celle de Francisque Michel (1839) et celle, fort injustement négligée aujourd'hui, de Benjamin Laroche (1839-1840), ne concernent quant à elles que le théâtre. Il faut attendre François-Victor Hugo et son édition en dix-huit volumes publiés entre 1859 et 1866 pour que les poèmes prennent leur place à part entière et dans leur intégralité dans le corpus shakespearien. Les traductions qui suivent entérinent définitivement cette pratique, ainsi celle d'Émile Montégut (1867-73), vouée à une grande diffusion.
 
C'est donc à François-Victor Hugo que l'on doit la première traduction française intégrale des Sonnets de Shakespeare. Curieusement, c'est par eux qu'il avait inauguré sa carrière de traducteur : avant même de publier les œuvres complètes, il les avait fait paraître séparément, en 1857 — année importante pour l'histoire littéraire française, puisque c'est aussi celle de la parution de Madame Bovary, mais surtout des Fleurs du mal [2]. À ce titre, il fait figure de précurseur : la version d'Émile Montégut lui est d'ailleurs fortement redevable et son choix de la prose pour traduire le vers shakespearien va faire date. François-Victor Hugo s'insère naturellement dans la tradition déjà bien établie des traductions romantiques qui, par souci de modernité, traduisent la poésie en prose. Ainsi, pendant un siècle, de Letourneur à Montégut, la traduction du théâtre shakespearien se fait intégralement en prose — cette pratique a pour effet pervers de gommer les écarts, souvent signifiants, entre prose et vers, dans les pièces. Les poèmes sont soumis au même traitement. Hugo ne juge pas nécessaire de justifier son choix d'une prose souple qui reprend la division en strophes, ni dans l'édition séparée des Sonnets, ni dans l'édition des œuvres complètes : c'est qu'il s'insère dans cette pratique bien ancrée de rejet du vers en traduction à laquelle Chateaubriand, entre autres, avait donné ses fondements théoriques dans les préliminaires à son influente traduction du Paradis perdu de Milton (1836) [3]. Or c'est dans ce contexte qu'un an avant la traduction intégrale des sonnets, en 1856, un certain Ernest Lafond fait paraître une traduction de quarante-huitsonnets, en alexandrins [4]. La seule autre tentative de traduction des sonnets en vers au XIXe siècle aura lieu sera celle d'Alfred Copin en 1888, mais le contexte est alors beaucoup devenu plus favorable à la traduction poétique ; on peut d'ailleurs noter que depuis cette date, la plupart des traductions des sonnets sont en vers. La traduction de Lafond apparaît donc à un moment de pliure important dans l'histoire littéraire du siècle et dans l'histoire de la pratique traductive, un an avant la parution des Fleurs du mal — on sait quelle place elles font au sonnet —, et de la magistrale traduction de François-Victor Hugo. Quel rôle joue donc la traduction des Sonnets de Shakespeare dans cette querelle du vers et de la prose — querelle dont il a été montré qu'elle a joué aussi un rôle déterminant dans l'émergence, par ailleurs, de la prose poétique [5] ? Or dans ce contexte, la version de Lafond prend des allures de manifeste pour la réhabilitation de la traduction en vers — telle, par exemple, que l'avait célébrée l'Abbé Delille dans son importante préface aux Géorgiques du début du siècle —, mais elle peut aussi se lire comme une défense et illustration et de la forme du sonnet.
 
Les enjeux théoriques qui sous-tendent une traduction des sonnets de Shakespeare en vers sont donc clairs : pour le classicisme d'un Delille et contre Chateaubriand et la traduction romantique, Lafond offre une « première traduction » [6] des sonnets résolument personnelle, peu littérale, qui obéit à des choix esthétiques à contre-courant de son époque — et annoncent paradoxalement la réhabilitation du sonnet par Baudelaire et, plus tard, par les symbolistes. Rappelons les termes du débat qui oppose tenants de la traduction en prose et ceux de la traduction en vers. Benjamin Laroche, qui est aussi traducteur de Byron, défend crânement dans sa préface aux œuvres du poète romantique le choix d'une prose qui serait à la poésie « calque fidèle sous le double point de vue de l'exactitude et de l'art » et reproduirait « tout à la fois le fond et la forme, le dessin et les couleurs, la substance et les effets poétiques » [7]. La métaphore picturale semble tout droit tirée de l'avant-propos que Chateaubriand donne à sa traduction de Milton, qu'il voulait « calquée à la vitre », même si c'est une métaphore ancienne [8]. Or comme Laroche, Chateaubriand veut promouvoir un nouveau genre de traduction littérale, qui ne pouvait être servie que par une prose libérée des entraves de la contrainte poétique :
 
[C]'est une traduction littérale dans toute la force du terme que j'ai entreprise, une traduction qu'un enfant et un poète pourront suivre sur le texte, ligne à ligne, mot à mot, comme un dictionnaire ouvert sous leurs yeux. Ce qu'il m'a fallu de travail pour arriver à ce résultat, pour dérouler une longue phrase d'une manière lucide sans hacher le style, pour arrêter les périodes sur la même chute, la même mesure, la même harmonie ; ce qu'il m'a fallu de travail pour tout cela ne peut se dire. [9]
 
Ce choix l'avait amené à refuser les séductions du beau style pour privilégier une prose rugueuse, voire inélégante (contre, d'ailleurs, la pratique de beaucoup de traducteurs contemporains), mais, du moins l'espérait-il, fidèle ; et l'écrivain sent bien la nouveauté de son entreprise :
 
Me serait-il permis d'espérer que si mon essai n'est pas trop malheureux, il pourra amener quelque jour une révolution dans la manière de traduire ? Du temps d'Ablancourt les traductions s'appelaient de belles infidèles ; depuis ce temps-là on a vu beaucoup d'infidèles qui n'étaient pas toujours belles : on en viendra peut-être à trouver que la fidélité, même quand la beauté lui manque, a son prix. [10]
 
Dans cette démarche, Chateaubriand s'oppose nommément à l'Abbé Delille qui défendait, au début du siècle, la supériorité de la traduction en vers pour des raisons analogues, c'est-à-dire comme étant selon lui la plus à même de répondre au double impératif de fidélité et d'honnêteté traductive à l'égard du modèle, [11] impératif que Delille décrit comme intrinsèquement lié à la productivité de la contrainte :
 
[L]'harmonie de la prose ne sauroit représenter celle des vers. La même pensée, rendue en prose ou en vers, produit sur nous un effet tout différent. [...] Un autre charme de la poésie, comme de tous les autres arts, c'est la difficulté vaincue. Une des choses qui nous frappent le plus dans un tableau, dans une statue, dans un poëme, c'est qu'on ait pu donner au marbre la flexibilité ; [...] c'est que des vers, malgré la gêne de la mesure, aient la même liberté que le langage ordinaire ; et c'est encore un avantage dont le traducteur en prose prive son original. [12]
 
C'est précisément de ce point de vue que semble se faire l'écho Ernest Lafond lorsqu'il justifie le choix de la poésie pour traduire le sonnet dans un ouvrage de 1848 ÿ— un choix de sonnets traduits de Dante, de Pétrarque et de Michel-Ange — il reprend alors à son tour les images habituelles tirées des champs pictural et musical :
 
Une traduction bien faite doit être comme la gravure d'un tableau ; [...] afin d'en approcher le plus possible, nous avons d'abord traduit en vers, parce que le vers seul peut tenter de reproduire la couleur et l'harmonie du vers.
 
Mais Lafond ajoute une contrainte supplémentaire : sa traduction adoptera, comme l'original, la forme du sonnet, au motif que la traduction est comme la reproduction d'un portrait : « nous avons conservé la forme rigoureuse du sonnet ; car il nous semble que c'est le moins qu'on puisse faire que de conserver à l'auteur qu'on traduit la physionomie qu'il a préférée ». [13] Cette image du texte original comme un portrait à imiter s'applique tout particulièrement au sonnet, qui est décrit comme un genre intimiste. Elle nous rappelle que les Sonnets de Shakespeare sont perçus au XIXe siècle comme un portrait intime de l'auteur et qu'à ce titre, les critiques leur reprochent fréquemment d'être presque trop personnels. Ce sont, comme l'écrit Lafond, « comme des pages échappées d'un journal ; on y surprend quelquefois le secret de la vie de l'homme en dehors du théâtre, dont il rougit » (p. 2-3). En 1888, Alfred Copin proposera même de les intituler « les Confessions de Shakespeare » [14]. Mais la réaction de rejet est aussi esthétique : trop maniérés, ils portent trop la marque d'une esthétique résolument passée de mode. Ainsi, Pichot, en 1821, reproche au sonnet d'être une forme du passé, un fossile, dans le paysage littéraire français :
 
[N]ous ne sommes plus au temps où Boileau disait :
Un sonnet sans défaut vaut seul un long poëme.
Ce genre de poésie, tout-à-fait tombé en France, a repris faveur en Angleterre, depuis Bowles et Wordsworth. [15]
 
Lafond lui-même, malgré son goût revendiqué pour le genre — il avait déjà traduit un recueil de sonnets italiens, paru en 1848 —, prend acte de cette défaveur relative pour le sonnet dans un texte bien postérieur, daté de 1881 [16]. Publiant alors ses propres poésies à l'automne de sa vie, il imagine un dialogue qui l'opposerait à un détracteur du genre, dans un sonnet intitulé « Un ennemi du Sonnet » :
 
Publier vos sonnets ! quelle mouche vous pique ?
C'est un genre ennuyeux, je vous le dis tout net.
— Permettez, permettez, cher monsieur, le sonnet
Est un cadre mignon, une médaille antique,
 
Un coffret ciselé. — Dites donc un cornet.
Ils sont courts. — Mais nombreux ; leur race est prolifique,
Et j'aimerais mieux lire un long poème épique.
Quand il est isolé, c'est un fat en corset.
 
Puis le trait de la fin... Toujours la même chute ;
Dans le même fossé c'est la même culbute ;
Ce que Molière en dit, vous vous en souvenez ?
 
Il va parler encor... Je vous passe le reste ;
Mais n'allez pas, lecteur, souhaiter, comme Alceste,
Que je fasse une chute à me casser le nez. [17]
 
Monotonie, artificialité, contrainte stérile : ce sont les reproches principaux que l'on fait au sonnet avant 1850, forme jugée académique et galvaudée. En outre, les détracteurs des Sonnets de Shakespeare leur reprochent leur obscurité relative, liée à une certaine préciosité (le choix de la pointe), à un goût pour l'équivoque, ainsi qu'à l'influence d'une esthétique « savante », nourrie de références métaphysiques devenues inintelligibles. Pichot, toujours, écrit ainsi des sonnets shakespeariens :
 
On y trouve une douceur de sentiment qui n'est pas exempte de quelque recherche, mais qui intéresse comme l'expression naturelle des sentimens d'un poëte chantant son amour dans un siècle où les amans empruntaient à l'érudition des théologiens et au jargon de la scolastique la forme de leurs plus tendres déclarations. (op. cit., p. 147-48)
 
Ainsi, on reproche tour à tour aux sonnets de Shakespeare leur caractère trop intime, qui heurte le goût de l'époque, voire les mœurs pour certains sonnets adressés au jeune homme, lesproblèmes esthétiques qu'ils soulèvent — liés à la forme du sonnet —, mais aussi, plus spécifiquement, leur obscurité et leur appartenance à une esthétique néopétrarquiste, donc historiquement marquée.
 
Ces objections mènent les traducteurs à faire des choix parfois spectaculaires. Ainsi François-Victor Hugo change radicalement l'ordre des sonnets et traite l'ensemble comme une énigme à résoudre ou une image brouillée à reconstituer, probablement gêné par la séparation trop visible entre les deux séquences successives, les sonnets au « fair youth » suivis des sonnets à la « dark lady » :
 
 
À force de relire ces poëmes, en apparence décousus, nous finîmes par y retrouver les traces de je ne sais quelle unité perdue. Il nous sembla que les sonnets avaient été jetés pêle-mêle dans l'édition de 1609, comme ces cartes des jeux de patience dont les enfants s'amusent à remettre en ordre les morceaux. Nous fîmes comme les enfants : nous nous mîmes patiemment à rapprocher, dans ces poésies, les morceaux en apparence les plus éloignés, et nous réunîmes ensemble tous ceux que le sens adaptait les uns aux autres. [18]
 
 
Il n'est pas le seul à ressentir le besoin de réorganiser le recueil : si Émile Montégut respecte quant à lui l'ordre de l'édition de 1609, Alfred Copin en 1888 procède, comme Hugo, à une profonde réorganisation du recueil, en classant les sonnets selon six axes thématiques (Amour, Amitié, Séparation, Misanthropie, Postérité et Immortalité) [19]. Dans les deux cas de réorganisation complète, la réorganisation vise à atténuer les effets d'antithèses, morales autant qu'esthétiques, entre les sonnets au jeune homme et ceux adressés à la « dame noire ».
 
Ernest Lafond, tout admirateur du sonnet qu'il soit, est bien conscient des problèmes éthiques et esthétiques que posent les Sonnets shakespeariens, et il y répond par un « projet traductif » (ou un « système de traduction », pour reprendre l'expression de Delille et de Chateaubriand) cohérent, qui trahit des options idéologiques fortes. Lafond a laissé peu de traces de son activité littéraire : outre cette traduction partielle des sonnets de Shakespeare et du choix de sonnets italiens déjà mentionnés, il a également publié quatre volumes d'œuvres choisies traduites de l'anglais, dans une série intitulée Les Contemporains de Shakespeare (quatre volumes, consacrés respectivement à Ben Jonson — deux tomes —, Massinger, Beaumont et Fletcher, enfin Webster et Ford) [20]. Il publie aussi en 1857 une étude sur la vie et les œuvres de Lope de Vega, puis vingt ans plus tard une anthologie de traductions de poèmes divers dédiés à la Vierge [21]. Dans les mêmes années, il fait paraître sa propre poésie lyrique, les deux volumes paraissant la même année, en 1881, Sonnets aux étoiles et Les dernières pages [22]. Les renseignements biographiques dont on dispose sont lacunaires : fils d'un marchand de vin, il naît en 1807 et appartient à une famille qui fait fortune dans la banque : son frère, Antoine-Narcisse Lafond, est député, pair de France et un temps régent de la Banque de France (mort en 1865) ; son neveu , avec qui il traduira des sonnets italiens de la Renaissance, est un riche philantrope et écrivain religieux, Etienne-Edmond Lafond (1821-1875), qui se fera appeler Comte Lafond (il est annobli par décret pontifical en 1868), auquel on doit une série de récits de souvenirs de voyages et quelques études sur l'histoire du catholicisme ainsi que plusieurs œuvres édifiantes [23]. La gravure qui accompagne l'édition de ses poèmes de 1881 nous le montre posant en patriarche à la Hugo. Sa poésie révèle le notable aisé, plutôt conservateur, lié à l'aristocratie et catholique, puisqu'une partie de sa production poétique est religieuse. Ce conservatisme se reflète dans sa traduction des Sonnets.
 
Son choix de sonnets suit l'ordre de l'édition de 1609 et Lafond fait montre d'un certain souci de représentativité, puisque, hormis pour les vingt premiers sonnets (omis), la plupart des grandes « séries » sont représentées (avec une concentration supérieure pour les sonnets 90 à 104). Sont exclus les poèmes les plus amers, notamment les plus accusateurs envers le jeune homme, et le traducteur concentre son attention sur les sonnets qui traitent plus spécifiquement des sentiments amoureux du poète. Enfin, il omet les sonnets 131 à 142, parmi les plus cyniques du recueil. L'image des sonnets qu'il donne dans cette traduction élégante mais qui ne s'embarrasse pas de littéralité, privilégie donc nettement les poèmes d'amour sans nuage, mais aussi les poèmes d'introspection — notamment ceux qui parlent de la mort. L'aspect néo-platonicien du recueil n'est pas rendu : le traducteur semble avoir eu quelques difficultés avec les sonnets au jeune homme et en particulier la notion de « love », qu'il traduit tantôt par amour, tantôt par amitié. Il n'hésite pas d'ailleurs à féminiser l'instance interlocutrice dans les sonnets où il juge qu'il est question d'amour. Ainsi sur les quarante sonnets tirés de la section dédiée au jeune homme, quatre sont des poèmes d'amitié, adressé à un jeune homme, seize deviennent sous la plume de Lafond des poèmes d'amour dédiés à la dame aimée, et enfin vingt à l'être aimé sans plus de précision. Le traducteur ajoute fréquemment des invocations à la dame aimée ou opère des substitutions de pronoms personnels — voire substitue une expresssion comme « ma dame » ou « ma maîtresse » à un pronom personnel à la deuxième ou à la troisième personne du singulier, masculin —, au mépris du texte anglais ; ainsi le distique final du sonnet 65 (ici XVII) : « A moins que par miracle, et j'ose le prévoir, / Ma dame dans mes vers ne revive éternelle ! » (p. 19) [24], ou dans sa version du sonnet 21, l'expression « mother's child » qui devient « fille d'Ève » ; ou encore le sonnet 32, lorsqu'il se fait l'écho de Ronsard :
 
          Oh ! si tu me survis le jour où le trépas
          Aura couvert mes os de sa morne poussière,
          Ma douce amie, un soir peut-être tu liras
          Ces pauvres vers, enfants de ma muse grossière. [25]
 
Cette normalisation, voire banalisation, du recueil correspond à un véritable système de traduction ; elle ne porte pas seulement sur le sexe de l'être aimé, mais concerne plus généralement la dimension idéologique du recueil et sa dimension esthétique. Dans le sonnet 109 (XXXVI chez Lafond, p. 38), on voit ainsi le traducteur faire l'éloge du « doux foyer domestique », alors que Shakespeare ne parlait que de « home of love ». Ailleurs, il peut lui arriver d'ajouter une référence à Dieu, comme dans le sonnet 65 : « Oh ! terribles pensers ! quel Dieu faut-il prier ?/ Et pour le dérober à l'avare usurier, / Où cacher ce joyau dont la flamme étincelle ? » (XVII, p. 19). La version shakespearienne était nettement plus sobre : « O fearful meditation ! where, alack, / Shall Time's chest lie hid ? » (p. 257) On se souvient que Lafond décrit le sonnet comme un « cadre mignon », un « coffret ciselé » : de fait, ce qui frappe à la lecture est la sentimentalisation accrue des sonnets, qui passe par une certaine banalisation résultant de l'emploi d'images clichés ou d'expressions convenues. Le tout obéit à une stratégie d'annoblissement poétique délibérée, qui correspond à la transposition dans un idiome poétique contemporain et s'accompagne du refus du trivial et de la dissonance ou de l'écart pour tirer les Sonnets vers l'harmonie et le familier.
 
À la forme du sonnet shakespearien (trois quatrains, rimant ababcdcdefef, et un distique final), Lafond substitue le sonnet français et son schéma classique tel qu'il est déjà présent chez Du Bellay ou chez Ronsard (deux quatrains, deux tercets, avec un schéma de rimes plus classique : abab —variante : abbaÿÿ— / abab — variante : abba / ccd eed). Cette recherche l'amène à diluer le distique anglais dans le dernier tercet, quitte abréger le deuxième ou le troisième quatrain originel — c'est d'ailleurs une caractéristique de sa traduction que de résister constamment à la copia shakespearienne, en particulier là où Shakespeare utilise plusieurs images successives pour illustrer la même idée. Le sonnet 29 constitue un exemple caractéristique de cette tendance (Lafond, IV, p. 6) :
 
Lorsque disgrâcié du ciel et de la terre,                     
Je me vois ici-bas comme un lépreux jeté,
Je maudis le destin ; et ma voix solitaire  
Pousse un cri de douleur qui n'est pas écouté.        
                                                                                
Mécontent de la part dont le ciel m'a doté,               
Au ciel ainsi j'irai porter mon chant sonore ;
Car ta tendre amitié rend mon destin plus doux,
Et de celui des rois je ne suis plus jaloux.
 
Mais, quand je pense à toi, mon cœur redevient pur,
Et comme l'alouette, au lever de l'aurore,
Quitte l'humble sillon pour se baigner d'azur...
 
Au ciel ainsi j'irai porter mon chant sonore ;
Car ta tendre amitié rend mon destin plus doux,
Et de celui des rois je ne suis plus jaloux.
 
 
When, in disgrace with fortune and men's eyes,
I all alone beweep my outcast state,
And trouble deaf heaven with my bootless cries
And look upon myself, and curse my fate,
Wishing me like to one more rich in hope,
Featured like him, like him with friends possess'd
Desiring this man's art and that man's scope,
With what I most enjoy contented least ;
Yet in these thoughts myself almost despising,
Haply I think on thee, and then my state,
Like to the lark at break of day arising
From sullen earth, sings hymns at heaven's gate ;
For thy sweet love remember'd such wealth brings
That then I scorn to change my state with kings. [26]
 
Cette confrontation appelle plusieurs remarques. D'une part, le gauchissement de la référence religieuse : à « deaf heaven », qui évoque un Dieu caché, sourd à toute prière, Lafond substitue plus platement « un cri de douleur qui n'est pas écouté » — la référence aux cieux sourds à la plainte est omise, ce qui peut se lire comme une tentative d'atténuer l'expression du doute religieux. En revanche, le traducteur introduit deux clichés sentimentaux : « Je sens au fond du cœur l'envie involontaire » (quasi-pléonasme), puis « mon cœur devient pur » (ajout pur et simple), tandis que « sings hymns at heaven't gate » est dédoublé en « quitte l'humble sillon pour se baigner d'azur... » — par un étoffement réminiscent, semble-t-il, de Victor Hugo — et « Au ciel j'irai porter mon chant sonore » (nouveau pléonasme). Enfin, il gomme la métaphore économique qui sature le texte shakespearien — autre constante chez le traducteur —, en l'omettant tout à fait : « such wealth brings » est « sentimentalisé » en « rend mon destin plus doux ».
 
Nivellement des métaphores par la modulation, voire la transposition des métaphores économiques, substitutions lexicales esthétisantes (ex : « azur » pour « ciel », « mes pensers » pour « thoughts », plus rare, « insectes » pour « worms », pour éviter l'image trop choquante, sans doute, dans un souci de bon goût) : Lafond cède aussi souvent à la tentation d'ajouter des expressions lexicalisées et autres images - clichés, sans doute parce qu'il les juge plus poétiques dans le goût du XIXe siècle. Ces traits se retrouvent dans la traduction du sonnet 27, dont voici les deux derniers tercets :
 
          Heureux ! quand j'aperçois, par les yeux de mon âme,
          Votre forme apparaître aux plis de mon rideau,
          Et dans l'obscurité briller comme un joyau !
 
          La nuit est belle alors ; mais vous voyez, madame,
          Qu'il n'est point de repos, au dedans, au dehors,
          Ni la nuit ni le jour, pour mon âme ou mon corps. [27]
 
Lafond ajoute la mention du rideau, absent de l'original, qui rend concret, voire banal, la scène de la rêverie, par l'invocation de cet élément domestique. En outre, il fait disparaître du passage les formulations oxymoriques qui lui étaient spécifiques : « makes black night beauteous » devient simplement « la nuit est belle alors » (avec la même tendance dans le précédent tercet, avec l'omission de « ghastly night »). C'est d'ailleurs une constante de Lafond que d'éviter ce qui pourtant faisait l'une des caractéristiques essentielles des sonnets shakespeariens, les antithèses. Le sonnet XXXIV (sonnet 102 chez Shakespeare) est particulièrement représentatif de cette tendance, puisqu'il omet totalement les effets de balancements antithétiques, ainsi dans le premier vers, « Mon amour est plus grand qu'il n'a jamais été » (p. 36), pour le vers anglais : « My love is strengthen'd, though more weak in seeming ». Or on sait l'importance de l'oxymore et de l'antithèse dans la poétique néo-pétrarquiste, qui se trouve de ce fait quelque peu dénaturée dans la version de Lafond. La traduction du sonnet 130 (XLIII) est représentative de ces constants gauchissements imposés à une poétique maniériste, puisque le traducteur y gomme en effet les effets d'antithèse et de balancement :
 
          Je ne compare pas les yeux de ma maîtresse
          Au soleil, ni sa lèvre au corail, ni son teint
          À la neige qui brille aux rayons du matin,
          Ni ses cheveux aux flots que la brise caresse. [28]
 
Les parallélismes et effets d'antithèses sont gommés par le recours à la prétérition simple.
 
La banalisation qui résulte de cette entreprise de normalisation est particulièrement visible dans le sonnet 57, où l'amplification de l'image originelle de l'esclavage est poussée jusqu'à un point extrême. Le sonnet shakespearien est à cet égard assez sobre :
 
          Being your slave, what should I do but tend
          Upon the hours and times of your desire ?
          I have no precious time at all to spend,
          Nor services to do, till you require. (p. 249)
 
Lafond s'empare de la métaphore de l'esclave et la file de manière excessive :
 
          Je suis votre esclave, eh bien ! l'esclave attend
          L'heure de vos désirs, ô maîtresse chérie !
          Pour penser à lui-même, il n'a pas un instant :
          Ses heures sont à vous, commandez à sa vie. (p. 16)
 
Il faut noter ici la sentimentalisation, le pathos ajouté au texte shakespearien, autre constante, on l'a vu. Cette inflation sentimentale se traduit par la prédilection pour l'exclamation (points d'exclamation, interjections comme « oh » ou « hélas », voire l'interjection plus poétique « ô »), l'ajout de termes affectifs, par exemple « maîtresse chérie » (comme dans l'exemple ci-dessus) ou « cher ange que j'adore » (pour un simple « sweet love », sonnet XXIII / sonnet 76). On la trouve aussi au sonnet XVIII, où le locuteur des sonnets de Lafond semble presque larmoyer :
 
          Oui, j'appelle la mort ! tant je suis las de voir
          La luxure impudente et d'oripeaux parés...
          ... Oui ! de ce lieu maudit, demeure mal famée,
          Je fuirai, en m'offrant moi-même au coup fatal,            
          Si je n'y devais pas laisser ma bien-aimée. (p. 20)
 
Dans cet exemple, on note que Lafond procède à l'amplification du tercet final pour ménager sa chute. Un autre exemple particulièrement probant de sentimentalisation concerne le sonnet 110, avec la double image ajoutée par le traducteur du paradis perdu et de l'enfant prodigue — images pathétiques absentes de l'original :
 
Au paradis perdu mon âme est revenue,
De toi, l'enfant prodigue attend la bienvenue,
Reçois-moi dans tes bras, et je suis pardonné. [29]
 
Lafond plaque ainsi sur l'original deux lieux communs particu-lièrement représentatif de la littérature sentimentale.
 
Le projet traductif de Lafond peut laisser le lecteur scrupuleux sceptique. Du point de vue de l'exactitude, sa traduction présenté des ratés magnifiques. Sa version du sonnet 116, par exemple, paraît un peu pathétique dans sa tentative de rendre les diallitérations en « s » et en « c » de l'original :
 
L'amour se rit du Temps, bien que lis, Ïillets, roses,
Frais visages, front purs, fleurs au matin écloses,
Tout soit, comme un foin mûr, par sa faux moissonné. [30]
 
Cependant, cette tentative, aussi imparfaite soit-elle, témoigne de la sensibilité de Lafond aux effets rhétoriques et littéraires de son original. Lafond n'hésite pas, de fait, à déplacer les éléments discursifs, à manipuler sa matière textuelle, voire à déplier une pensée jugée trop resserrée, mais c'est presque toujours pour prendre en compte la spécificité de l'original en en transposant les effets poétiques. Certaines tentatives sont très réussies, mais elles opèrent généralement à l'échelle du vers ou même d'un fragment de vers. Ainsi, la traduction des derniers vers du sonnet XXIII (sonnet 76 chez Shakespeare), par exemple, convainc par sa limpidité :
 
          So all my best is dressing old words new,
          Spending again what is already spent :
          For as the sun is daily new and old,
          So is my love still telling what is told. (p. 268)
 
          J'habille de vieux mots, que pourrais-je de mieux ?
          Avec le même argent je paye encor ma dette ;
          Le soleil n'est-il pas à la fois jeune et vieux ?
          Ce que d'autres ont dit, mon amour le répète... (p. 23)
 
En tant que projet traductif, la version de Lafond, qui est nourrie d'échos à la poésie française qui lui est contemporaine (Hugo et Lamartine, notamment), est marquée par une poétisation délibérée, ainsi que par son conservatisme idéologique. Mais elle témoigne d'une tentative de réhabiliter le sonnet comme genre de l'intime, dans un contexte immédiat pourtant peu favorable à la traduction en vers de la poésie. Malgré tout l'intérêt qu'elle peut présenter, son influence fut cependant très limitée : dès l'année suivante paraissait celle de François-Victor Hugo, qui allait durablement orienter la tradition traductive dans une autre direction, celle de la traduction en prose romantique.
 
 
------------------------------------------------------------------------
[1] Les Sonnets de Shakespeare traduits en vers français, par Alfred Copin, Paris : A. Dupret, 1888, p. 21.

[2] Les Sonnets de William Shakespeare, traduits pour la première fois en entier, Paris, Michel Lévy, 1857.

[3] Sur l'importance de cette traduction, voir entre autres Jean Gillet, Le Paradis perdu dans la littérature française de Voltaire à Chateaubriand, Lille : Publications de l'Université de Lille III, 1980 et Antoine Berman, La traduction et la lettres ou l'auberge du lointain, Paris : Le Seuil, 1999, p. 104-114.

[4] Poëmes et Sonnets de William Shakespere, Paris, Typographie de Ch. Lahure, 1856.

[5] Ce débat n'est pas sans jouer un rôle non négligeable dans l'émergence contemporaine de la poésie en prose. Cf. Christian Leroy, La poésie en prose française du XVIIe siècle à nos jours : Histoire d'un genre, Paris, Champion, 2001 ; Nathalie Vincent-Munnia, Les premiers poèmes en prose : généalogie d'un genre dans la première moitié du XIXe siècle, Paris, Champion, 1996 ; et ouvrage collectif sous la direction de Nathalie Vincent-Munnia, Simone Bernard-Griffiths et Robert Pickering, Aux Origines du poème en prose français (1750-1850), Paris, Champion, 2003.

[6] On sait la différence qu'Antoine Berman fait, à juste titre, entre les premières traductions et les re-traductions : ce sont des textes qui occupent des positions différentes dans le polysystème littéraire (La traduction et la lettre ou l'auberge du lointain, op. cit., p. 97).

[7] œuvres complètes de Lord Byron, trad. Benjamin Laroche, 3e édition, Paris, Charpentier, 1838, « Avis du traducteur « , n. p.

[8] Voir La Traduction des genres non romanesques au XVIIIe siècle, textes réunis par Annie Cointre et Annie Rivara, Metz, Publications du Centre d'Études de la traduction, 2003 ; p. 386.

[9] « Remarques « , in John Milton, Le Paradis perdu [1836], trad. François-René de Chateaubriand, Paris, Belin, 1990, p. 101.

[10] Remarques au Paradis perdu, p. 111.

[11] Delille écrit encore à propos de la tâche éthique du traducteur : « le devoir le plus essentiel du traducteur, celui qui les renferme tous, est de chercher à produire dans chaque morceau le même effet que son auteur. [...] Quiconque se charge de traduire, contracte une dette ; il faut, pour l'acquitter, qu'il paie, non avec le même monnoie, mais la même somme : quand il ne peut rendre une image, qu'il y supplée par une pensée ; s'il ne peut peindre à l'oreille, qu'il peigne à l'esprit [...] ; en sorte qu'il s'établisse par-tout une juste compensation, mais toujours en s'éloignant le moins qu'il sera possible du caractère de l'ouvrage et de chaque morceau. [...] c'est sur l'ensemble et l'effet total de chaque morceau, qu'il faut juger de son mérite. « (œuvres complètes de J. Delille, Sixième édition, Paris, Chez Firmin Didot, 1870, p. 309).

[12] Ibid., p. 308-09.

[13] Dante, Pétrarque, Michel-Ange, Tasse : Sonnets choisis, trad. Ernest et Edmond Lafond, Paris, Comptoir des imprimeurs, 1848, p. viii.

[14] « Ces sonnets pourraient s'appeler : les Confessions de Shakespeare [...]. Avec ces sonnets nous assisterons à ses amours, à ses jalousies, à ses joies, à ses peines, à ses espérances, à ses désillusions, à ses amitiés, à sa misanthropie, enfin à son découragement profond, puis tout à coup à sa superbe confiance dans l'immortalité de son génie « (Les Sonnets de Shakespeare traduits en vers français, Paris, A. Dupret, 1888, p. 6).

[15] œuvres complètes de Shakspeare, op. cit., t. I, p. 147.

[16] Il faut noter qu'à cette date, la défaveur du sonnet est à mettre au passé, grâce à l'influence de Baudelaire, entre autres.

[17] Ernest Lafond, Sonnets aux Étoiles, Mâcon, Édition Elzévir, ex typis Protat, 1881, Préfaces, p. xv-xvi.

[18] Les Sonnets de William Shakespeare, p. 33.

[19] Cette pratique ne disparaît pas avec le XXe siècle, puisque Fernand Baldersperger fera de même encore en 1943 (Les Sonnets de Shakespeare, traduits en vers français et accompagnés d'un commentaire continu, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1943).

[20] Publiés à Paris, chez J. Hertzel, successivement en 1863, 1864 et 1865 (les deux derniers étant publiés la même année).

[21] Etudes sur la vie et les œuvres de Lope de Vega, Paris, Librairie Nouvelle, 1857 ; Notre-Dame des poètes, choix de poésies lyriques composées en l'honneur de la Vierge Marie, traduites en vers, par Ernest Lafond, suivies d'extraits de drames et de poèmes consacrés également à la Vierge et de diverses notices biographiques, Paris, Victor Palmé 1879.

[22] Sonnets aux étoiles, op. cit. ; Les dernières pages, Mâcon, imprimerie de Protat frères, 1881.

[23] Notamment une pièce hagiographique, Dorothée, Vierge et martyre, Paris, Bray et Retaux, 1873, et des récits de voyage dans l'Angleterre et l'Italie catholique (par exemple, De la Renaissance catholique en Angleterre, Souvenirs de voyage, Barmounty Manor, Paris, Comon, 1849). Il est président de l'œuvre du denier de Saint-Pierre, et à sa mort, il est propriétaire de l'hôtel de Gallifret, rue de Grenelle, et fait construire un extravagant château Renaissance à Pouilly-Fuissé (encore visible). Ernest Lafond lui est très lié, puisqu'il publie avec lui les traductions de l'italien de 1848.

[24] « O, none, unless this miracle have might, / That in black ink my love my still shine bright. « (The Poems, ed. David Bevington (Toronto, New York : Bantam Books, 1988), p. 257). Toutes les citations des Sonnets sont tirées de cette édition.

[25] Lafond, p. 7. « If thou survive my well-contented day / When that churl Death my bones with dust shall cover, / And shalt by fortune once more re-survey / These poor rude lines of thy deceased lover... « (p. 224)

[26] Lafond, p. 6, Shakespeare, p. 221.

[27] Lafond, sonnet III, p. 5. « Save that my soul's imaginary sight / Presents thy shadow to my sightless view, / Which, like a jewel hung in ghastly night, / Makes black night beauteous and her old face new. / Lo, thus by day my limbs, by night my mind, / For thee and for myself no quiet find « (Shakespeare, p. 219).

[28] Lafond, p. 45. Shakespeare insistait quant à lui aux oppositions termes à termes : « My mistress' eyes are nothing like the sun ; / Coral is far more red than her lips' red : / If snow be white, why then her breasts are dun ; / If hairs be wires, black wires grow on her head ». (p. 322).

[29] Lafond, p. 39. « Then give me welcome, next my heaven the best, / Even to thy pure and most most loving breast. « (Shakespeare, p. 302) Pour un autre ajout d'image pseudo-poétique qui banalise l'expression, on peut aussi voir le sonnet 33, où Shakespeare décrit le matin « Gilding pale streams with heavenly alchemy » (v. 4) ; sous la plume de Lafond, le soleil mêle « ses flots d'or à largent des ruisseaux » (v. 4, sonnet VI, p. 8).

[30] Sonnet XXXIX, p. 41. « Love's not Time's fook, though rosy lips and cheeks / Within his bending sickle's compass come « (p. 308).




Professeur à l'université de Paris 3 — Sorbonne Nouvelle, Line Cottegnies a publié un ouvrage sur les poètes cavaliers, L'Éclipse du regard : la poésie anglaise du baroque au classicisme (1625-1660) (Genève : Droz, 1997) et un recueil d'articles, en co-édition, avec Nancy S. Weitz, Authorial Conquests : Essays on Genre in the Writings of Margaret Cavendish (Madison, Teaneck : Fairleigh Dickinson University Press ; Londres : Associated University Presses, 2003). En préparation : l'édition et la traduction de Henry VI de Shakespeare pour la Pléiade.