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COMITÉ DE LECTURE
Mireille Bousquet
« faire un petit monde »
le mot et l'innommable dans l'œuvre de Samuel Beckett
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 e travail est parti de l'impression que la réflexion critique de Samuel Beckett sur le langage démarre à partir de la question du mot, et la travaille tout au long de l'œuvre. J'entends ici « word », au sens littéral, car le terme est ainsi posé jusque dans un des derniers textes de Beckett, What is the Word ? [1], traduction anglaise de Comment dire [2]. Mais la question du mot recouvre pour moi une problématique de discours et non de nomination.
 
Très tôt, dans la très citée et très commentée « Lettre à Axel Kaun » ou « German letter » (qualifiée de « bilge » [bêtise] à l'occasion par Samuel Beckett lui-même), il énonce ce qui ressemble beaucoup à un programme poétique : il se plaint de la nature vicieuse du mot, de sa surface matérielle et affirme la volonté d'atteindre à une littérature du « non-mot » (« unword »), littéralement du mot défait, ce qui n'est peut-être pas exactement un « non-mot » ? (dans la version originale en allemand : « Literatur des Unworts »)
 
Is there something paralysingly holy in the vicious nature of the word that is not found in the elements of the other arts ? Is there any reason why that terrible materiality of the word surface should not be capable of being dissolved, like for example the sound surface, torn by enormous pauses, of Beethoven's seventh Symphony, so that through whole pages we can perceive nothing but a path of sounds suspended in giddy heights, linking unfathomable abysses of silence ? [...] At first it can only be a matter of somehow finding a method by which we can represent this mocking attitude towards the word, through words. In this dissonance between the means and their use it will perhaps become possible to feel a whisper of that final music or that silence that underlies All. [...] On the way to this literature of the unword, which is so desirable to me, some form of Nominalist irony might be a necessary stage. [3]
 
Il faut noter ici, au-delà de la plainte émise à l'encontre du mot, de sa nature vicieuse, de sa matérialité, et au-delà de l'aspiration à cette littérature du « non-mot » qui passerait par la moquerie à l'égard du mot, les remarques qui lient la question du langage aux autres arts, peinture et musique, et également le fait que la question du silence est envisagée ici comme partie prenante du langage. Le premier roman de Beckett propose déjà cette théorie du silence comme expérience de lecture :
 
The experience of my reader shall be between the phrases, in the silence, communicated by the intervals not the terms, of the statement, between the flowers that cannot coexist, the antithetical (nothing so simple as antithetical) seasons of words, his experience shall be the menace, the miracle, the memory, of an unspeakable trajectory. [4]
 
J'en tire la première observation que, pour Samuel Beckett, la question du langage ne va pas sans la question de l'art, mais ce qui devient problématique alors c'est la « nature du mot ». Si le mot sert à nommer, figurer, représenter, alors l'écrivain doit choisir ses mots avec rigueur. A cet égard, le démenti du narrateur de L'Innommable est très clair : « J'appelle ça le matin, c'est ça tergiverse encore un peu, j'appelle ça le matin, je n'ai pas beaucoup de mots, je n'ai pas beaucoup de choix, je ne choisis pas, le mot est venu [...] » [5]. Il n'y a pas de choix ; les mots adviennent. La question alors serait : « comment ? », c'est-à-dire que la question du mot reviendrait à comment dire, à la question du dire et non du mot.
 
Tantôt on assiste à une sorte de constat d'échec quant à l'usage des mots, dans L'Innommable par exemple, un déni de leur capacité à dire la réalité qui rappelle les considérations émises dans Watt sur le rapport dénigré au langage : « Il n'y a pas de jours ici, mais je me sers de la formule. » [6] L'attention portée aux termes du discours oblige à reconsidérer leur signification dans une phrase anodine comme celle-ci : « Je fus surpris, le mot n'est pas trop fort. » [7] Mais le discours reste un problème de mots pour le narrateur de L'Innommable :
 
La mémoire notamment, dont je pensais devoir m'interdire l'usage, va avoir son mot à dire, le cas échéant. C'est au bas mot mille mots sur lesquels je ne comptais pas. J'en aurai peut-être besoin. [8]
It all boils down to a question of words, I must not forget this, I have not forgotten it [...] [9]
Unfortunately it's a question of words, of voices, one must not forget that, one must try and not forget that completely, of a statement to be made, by them, by me, some slight obscurity here, it might sometimes almost be wondered if all their ballocks about life and death is not as foreign to their nature as it is to mine [...] [10]
 
On peut considérer comme une bonne partie de la critique que, avec Worstward Ho, ce projet d'une littérature du « non-mot » aura été accompli [11]. Ce n'est pas tant l'aboutissement qui m'intéresse ici, mais le trajet. Je vois se dessiner un parcours de l'œuvre où la question du mot apparaît régulièrement avec insistance, est mise en évidence comme questionnement sur la nature et le fonctionnement du langage et présente peut-être une évolution qui permettrait de saisir quelque chose du travail du discours. En d'autres termes, la question du mot, qui va de pair avec la question du savoir des narrateurs, se présente comme l'un des sujets de l'œuvre. Pour Bruno Clément : « De Watt à Worstward Ho, donc, l'œuvre de Samuel Beckett raconte [...] entre autres histoires, celle des rapports des personnages (narrateurs ou non) avec les mots » [12]. Son analyse l'amène à considérer que cette problématique se déplace vers le sujet : « les mots ne visent plus l'objet, mais sont devenus l'espace du sujet » [13]. Mais cette approche semble tirer la question du sujet vers la même négativité que celle avec laquelle la question du langage est évoquée :
 
Le problème des mots, du mot, n'est jamais aussi technique qu'il le paraît parfois (dans les élucubrations de Watt, par exemple) : il n'y a plus de place, cette disparition de l'objet une fois avérée [...], que pour l'absence construite et concertée du sujet. Les mots ne sont dits subsister, dans leur existence opiniâtre et douloureuse, ne sont même présentés comme « fâcheux » que pour permettre que s'énonce une position symétrique du sujet [...] [14]
 
Cette approche n'est finalement pas si éloignée de celle de Blanchot, pour qui :
 
Les mots, nous le savons, ont le pouvoir de faire disparaître les choses, de les faire apparaître en tant que disparues, apparence qui n'est que celle d'une disparition, présence qui, à son tour, retourne à l'absence par le mouvement d'érosion et d'usure qui est l'âme et la vie des mots, qui tire d'eux lumière par le fait q'ils s'éteignent, clarté de par l'obscur. Mais ayant ce pouvoir de faire se « lever » les choses au sein de leur absence, maîtres de cette absence, les mots ont aussi pouvoir d'y disparaître eux-mêmes, de se rendre merveilleusement absents au sein du tout qu'ils réalisent, qu'ils proclament en s'y annulant, qu'ils accomplissent éternellement en s'y détruisant sans fin [...]. [15]
 
Même si le discours beckettien parle des mots, par la voix des narrateurs qui s'en plaignent, doit-on pour autant y voir se construire une pensée négative ou sacralisante du langage ? Je proposerais au contraire qu'il n'y a pas de fétichisation du langage ni du mot chez Beckett, malgré les apparences de l'énoncé, et qu'il faudrait éviter de le lire au pied de la lettre, en prenant trop au sérieux les ricanements des narrateurs, en oubliant d'écouter le travail de l'énonciation. Car c'est ainsi qu'on risque d'en arriver à penser que Beckett s'efforce bien d'en sortir, du langage, ce qui serait logique à force de s'en plaindre ! L'innommable y étant affirmé par la bouche des narrateurs eux-mêmes, il est tentant d'y tirer l'œuvre entière puisque c'est bien ce qu'elle semble dire : « Name, no, nothing is namable, tell, no, nothing can be told, what then, I don't know, I shouldn't have begun. » [16]
 
Pourtant cette mise en évidence, souvent ironique et donc distante qui parcourt les textes, d'un problème lié au mot, alerte le lecteur et rend la lecture attentive à ce problème de langage, et ainsi l'engage dans une réflexion critique sur le processus en cours. Aussi les lectures traditionnelles, qui renvoient l'écriture de Beckett du côté des problèmes de rapport fiction – réalité, vérité – mensonge [17], ne prennent pas en compte qu'il ne peut y avoir tromperie dans ce discours s'il pose clairement les règles du jeu discursif. Question que pose avec insistance la fin de Molloy : « Then I went back into the house and wrote, It is midnight. The rain is beating on the windows. It was not midnight. It was not raining. » [18] Or justement la vérité du discours littéraire ne peut se situer qu'à partir de ce discours même. La seule vérité concevable en littérature ne peut être que la vérité du discours lui-même, et non une vérité extérieure (laquelle d'ailleurs ?) à laquelle on viendrait mesurer une pseudo duplicité du « mensonge littéraire ». Car ces lectures qui tendent vers la négativité fondamentale du langage, en arrivent à penser sa destruction, son anéantissement inéluctable comme allant de pair avec une sacralisation non moins négative :
 
ce ne sont plus les mots qui sont les instruments de l'écrivain, mais l'écrivain celui des mots. Son texte en s'écrivant se sacralise et réussit à imposer l'idée que, comme Dieu a besoin des hommes, la parole a besoin de Samuel Beckett. Les mots, comme Godot, sont toujours pour demain. Chacun d'entre eux doit donc donner l'impression que son voisin (celui qui va le suivre ou celui, déjà lu, sur lequel on va faire retour) est plus juste, plus précieux que lui pour l'œuvre ; doit laisser entendre qu'un autre, qui n'a pas été choisi (parce qu'il s'est dérobé, ou parce que l'auteur s'est laissé gagner par le dégoût, la paresse, l'impuissance), aurait mieux fait l'affaire (on ne sait laquelle) [19].
Ce retour critique sur sa propre énonciation a pour fonction de mettre en scène, de figurer l'infigurable : le langage et l'acte créateur, qui sont inséparablement associés. Et j'entends par là le dire au sens de Benveniste : toujours à neuf.
 
 
L'ironie nominaliste
 
Dans Watt, l'ironie nominaliste sans doute est à l'œuvre. La scène du « pot » qui consacre la rupture de la relation du mot et de la chose, doit-elle être lue comme la réalisation pour Watt d'une impossible adéquation entre le monde et le langage ou ne fait-elle qu'illustrer le fait que le mot ne fait pas le langage, ce qui est tout à fait autre chose ? C'est bien sûr cette dernière hypothèse que je souhaite développer, parce qu' il y a une cohérence dans l'œuvre de Samuel Beckett sur cette question, que le pot n'est pas un incident isolé et doit être lu avec d'autres textes, comme Molloy, The Unnamable, Stirrings Still, Ping aussi sans doute, et l'incroyable dernier texte écrit par Samuel Beckett (ce qui fait penser que cette question est une obsession jusqu'à la fin) ce court poème intitulé What is the Word ?, traduction de Comment dire. Je note au passage la relation « word » et « dire », intéressante et problé-matique car soit il y a un déplacement en français du « mot » au « dire », soit ils sont assimilables pour Beckett ? Premier problème qui se pose ici : la démarche devrait-elle être de travailler le mot et le dire dans un rapport critique, en les distinguant soigneusement, ou au contraire peut-on partir du principe qu'il s'agit d'un signe que le mot et le dire valent l'un pour l'autre dans le discours beckettien ?
 
Le mot est ainsi fréquemment mis en avant, en tant que tel, pour mieux le dénigrer, mieux faire valoir son inanité. Les plaintes des narrateurs à l'égard des mots sont fréquentes. En effet les mots, au long de l'œuvre, il en est toujours question : bien souvent les mots manquent. Winnie, dans Happy Days en fait le constat : « Words fail, there are times when even they fail. » [20] Dans Soubresauts / Stirrings Still, c'est ce mot perdu qui semble être ici le point de départ du discours : « So on till stayed when to his ears from deep within oh how and here a word he could not catch it were to end where never till then. » / « Ainsi allait avant de se figer à nouveau lorsqu'à ses oreilles depuis ses tréfonds oh qu'il serait et ici un mot perdu que de finir là où jamais avant » [Je souligne]. Au théâtre comme dans la fiction, cette problématique parcourt l'œuvre :
 
B : Shit ! Where's the verb ?
A : What verb ?
B : The main !
A : I give up. [21]
 
Mrs Rooney : Do you find anythingÉ bizarre about my way of speaking ? [Pause] I do not mean the voice. [Pause] No, I mean the words. [Pause. More to herself] I use none but the simplest words, I hope, and yet I sometimes find my way of speaking veryÉ bizarre. [22]
 
Finally he said, I have had word from – and here he named the dear name – that I shall not come again. I saw the dear face and heard the unspoken words [...] [23]
 
Ailleurs, les mots ne veulent rien dire ou ont été oubliés, et semblent arbitraires, comme les noms : « And suddenly I remembered my name, Molloy » [24] . Le sens des mots est mis en doute, voire la non-connaissance du sens est même revendiquée : « I should mention before going any further, any further on, that I say aporia without knowing what it means » [25].
 
Le travail du discours bien sûr ne porte pas uniquement sur le mot, il y a travail du rythme, syntaxe, ponctuation, etc. Mais le mot pèse comme une conscience toujours présente d'un poids mort, comme le symbole agaçant d'un rapport de force général avec le langage, comme la marque, la trace emblématique d'un questionnement, d'une remise en question du fonctionnement du langage. Samuel Beckett est souvent rangé dans la catégorie des écrivains qui, comme Virginia Woolf, ne croient plus au langage, sont dans un rapport d'insatisfaction avec leur médium. Mais ne plus croire au langage, qu'est-ce que cela peut vouloir dire pour un « écrivain », et pourquoi continuer à écrire alors ? C'est plutôt que le langage est perçu comme un obstacle à un dire nouveau. Ce que la musique et la peinture ont produit, il semble que le langage interdirait d'y atteindre pour la littérature. Le mot ne fait pas le langage, mais le langage est constitué de mots qui ne veulent plus, ne peuvent plus rien dire de nouveau. [26] Aussi, comme il est impossible, pour le langage, de faire sans les mots, le travail va consister à « se moquer des mots, à travers les mots » [27]. C'est l'ironie nominaliste de Watt, l'exposition d'une mise en crise de la pratique du langage, une sorte de scène primitive pour le personnage beckettien, porte-parole de la voix de son maître. Cette exposition se fait dans la moquerie :
 
But he desired words to be applied to his situation, to Mr Knott, to the house, to the grounds, to his duties, to the stairs, to his bedroom, to the kitchen, and in a general way to the conditions of being in which he found himself. For Watt now found himself in the midst of things which, if they consented to be named, did so as it were with reluctance. And the state in which Watt found himself resisted formulation in a way no state had ever done, in which Watt had ever found himself, and Watt had found himself in a great many states, in his day. Looking at a pot, for example, or thinking of a pot, at one of Mr Knott's pots, of one of Mr Knott's pots, it was in vain that Watt said, Pot, pot. Well, perhaps, not quite in vain, but very nearly. For it was not a pot, the more he looked, the more he reflected, the more he felt sure of that, that it was not a pot at all. It resembled a pot, it was almost a pot, but it was not a pot of which one could say, Pot, pot, and be comforted. It was in vain that it answered, with unexceptionable adequacy, all the purposes, and performed all the offices, of a pot, it was not a pot. And it was just this hairbreadth departure from the nature of a true pot that so excruciated Watt. For if the approximation had been less close, then Watt would have been less anguished. For then he would not have said, This is a pot, and yet not a pot, no, but then he would have said, This is something of which I do not know the name. And Watt preferred on the whole having to do with things of which he did not know the name, though this too was painful to Watt, to having to do with things of which the known name, the proven name, was not the name, any more, for him. For he could always hope, of a thing of which he had never known the name, that he would learn the name, some day, and so be tranquillized. But he could not look forward to this in the case of a thing of which the true name had ceased, suddenly, or gradually, to be the true name for Watt. [28]
         
Le mot « pot » est semble-t-il vide de sens, pourtant le pot lui-même, le vrai, se vide et se remplit sans arrêt de la nourriture de Mr Knott, et il doit bien en être autant du mot, qui se vide et se recharge de sens, au cours du discours affolé du narrateur. Il est incroyable et paradoxal que ce constat de rupture entre le mot et la chose (disons le ainsi pour l'instant) donne lieu à une telle prolifération verbale. D'un côté, un mot vidé de référence, de sens, « pot », de l'autre la chose « one of Mr Knott's pots » renvoyée sur le plan de l'innommable. Pourtant il faut bien constater que cela n'entrave nullement le dire, le discours de l'œuvre ; au contraire la prise de conscience de cet arbitraire du signe est bien plutôt l'occasion d'une véritable jouissance verbale. Là où la langue a décollé semble-t-il le recto-verso du signe [29], le discours construit et invente un nouvelle signifiance où « pot » prend sa valeur en relation avec « Knott », et également « not ». Le paradoxe ici est que si la langue défait le lien entre le « pot' et Knott, le discours parvient à le reconstruire. Dans Watt, « pot » et « Knott » apparaissent comme indissociablement réunis dans la même négativité : « not a pot » contaminant « Knott's pots » dans une surenchère de négation qui en devient comique.
 
 
Watt, dans la foulée, se renvoie la question du lien entre un autre mot « homme », « man » et lui-même, Watt.
 
So he continued to think of himself as a man, as his mother had taught him, when she said, There's a good little man, or, There's a bonny little man, or, There's a clever little man. But for all the relief that this afforded him, he might just as well have thought of himself as a box, or, an urn. (80)
 
Mais est-ce bien son humanité que Watt remet ainsi en doute ou plutôt la définition – réduction sèche, stérile et frustrante de Watt en « man », en un mot, alors que, pourtant, Watt fait ses 255 pages, il est donc tellement plus qu'un mot ! La leçon ici serait que le sens n'existe que pris dans un discours, construit par ce discours et non dans l'équivalence d'un mot à un référent. Sur le mode humoristique, c'est bien une critique d'une pensée dualiste du signe que produit le texte.
 
 
Le mot ou le dire
 
Autre piste de réflexion, le travail sur le mot pourrait prendre la forme d'une mise en valeur de l'accentuation, de la tonalité. Ludovic Janvier rapporte cette remarque de Samuel Beckett :
 
Une autre fois il m'a dit que ce qu'il y avait de plus frappant dans l'anglais, c'était que cette langue avalait les voyelles, alors que l'irlandais, non. Il voyait l'anglais comme une sorte d'avaleur, et l'irlandais comme un intermédiaire entre l'anglais et une autre langue – je ne sais pas laquelle – qui mettrait surtout l'accent sur ce qui, dans le mot, respire. [30]
 
Cette phrase très énigmatique laisse beaucoup d'interrogations. D'abord cette autre langue à laquelle il est fait référence, quelle est-elle : français, italien, allemand, toutes langues qui étaient familières à Samuel Beckett ? Qu'est-ce qui dans un mot respire : des voyelles fortement accentuées, prononcées avec insistance, ou la mise en valeur consonantique par le biais des voyelles ? Ce sont peut-être là les fameux trous que Samuel Beckett voulait forer dans le langage. Autre question : est-ce un phénomène qui se produit dans le mot en lui-même, donc dans la langue, ou plutôt dans une organisation sémantique particulière qui va servir de révélateur de ces respirations, c'est-à-dire dans le discours ? Il faut peut-être alors considérer le travail dans Watt comme un effort pour faire respirer le mot en anglais, en avaler un peu moins les voyelles, si l'on prend l'exemple d'une phrase comme « Looking at a pot, for example, or thinking of a pot, at one of Mr Knott's pots, of one of Mr Knott's pots, it was in vain that Watt said, Pot, pot. Well, perhaps, not quite in vain, but very nearly. For it was not a pot, the more he looked, the more he reflected, the more he felt sure of that, that it was not a pot at all. » Les répétitions de termes « Knott », « pot » fonctionneraient comme échos sonores rechargeant des voyelles qui, isolées, auraient été « avalées ». De même, la fréquence des virgules aurait pour fonction de créer des temps de pauses qui permettraient de continuer à faire entendre, de faire prêter davantage attention au mot à mot du discours. De la même façon, le travail sur les consonnes servirait à accentuer ce qui peut l'être en anglais dans la phrase : « For the pocket in which Erskine kept this key was not the kind of pocket that Watt could pick » [31].
 
Si c'est l'anglais qui pousse à un travail d'accentuation de la consonne, on aurait donc bien affaire à un travail sur la langue, et non sur le discours ? J'entends cette distinction au sens de Henri Meschonnic : « La langue ne se réalise donc que dans la parole – l'activité de qui parle ou écrit. [...] Du point de vue du rythme, le discours est le mouvement de cette parole, où l'énonciateur, mais aussi l'époque, la culture s'inscrivent. » [32]
 
Qu'en est-il alors du français ?
 
Et dans ses profondeurs qui sait le fin mot enfin. Le mot fin. [33]
 
Une lande aurait mieux fait l'affaire. Mais il ne s'agit pas de mieux la faire. Il fallait des agneaux. [34]
 
Cailloux crayeux d'un effet frappant sous la lune. Supposition que par temps clair elle soit en opposition. [35]
 
En allée sans s'en aller. Sans revenir revenue. [36]
 
Ce qui pourrait faire croire à des jeux de mots un peu faciles, pris isolément, (fin mot / mot fin ; l'affaire / la faire) prend sa valeur dans un texte où le discours fonctionne par échos et par rapprochements de termes, comme le vu et le dit, avec pour effet un travail de signifiance qui déborde et déplace le sens de chaque terme, le fait tendre vers l'indécidable.
 
Dans Mal vu mal dit / Ill Seen Ill Said, il y a à entendre comment le « mal dire » (« Comment pour en finir enfin une dernière fois mal dire ? ») [37] travaille avec le « mal voir » : « Telle mal vue cette nuit aux champs. [...] Les yeux fermés le voit-elle ? » [38], et aussi avec le noir : « Pendant que l'Ïil couve sa pitance. Assoupi dans son noir à lui. Dans le noir général ». [39] Et comment travaillent le voir et le dire par rapprochement de « à voir » et « à dire » dans « Où plus rien à voir. A dire. » [40], et par le rapprochement de « vus blancs » et « dits blancs » : « La caillasse luit faiblement au loin ainsi que le cabanon aux murs pour la première fois vus blancs. Dits blancs » [41]. De même en anglais, « said as seen » et « seen white » avec « said white » :
 
Seen no matter how and said as seen. [42]
The stones gleam faintly afar and the cabin walls seen white at last. Said white. [...] Such ill seen that night in the pastures. [...] Eyes closed does she see him ? [43]
What tales had they tongues to tell. Their long tale told. Such the dwelling ill seen ill said. [44]
 
Le dit est transformé par le vu et vice-versa, et ils doivent donc s'entendre de manière spécifique. Aussi, la réflexion sur le dire dans Ill Seen Ill Said semble s'être déplacée par rapport à ce qu'elle a pu être dans Watt ou L'Innommable. Passage du mot au comment. Comme dans How It Is, « I say it as I hear it », le dire est associé à l'entendre. Et encore faudrait-il comparer des registres ou séries thématiques et prosodiques dans l'œuvre française ou anglaise, comme « light-eye-sight », « say-see-hear », « voir-noir-soir », et peut-être une série figurée comme « word-unword-worstward » (« worstward » qui contient en germe « worstword » car il s'agit bien d'aller vers le pire mot, c'est-à-dire une sorte de « worstwordward » ?) qui n'est pas dans le texte littéralement mais qui apparaît en filigrane.
 
Dans Mal vu mal dit, se trouvent aussi des phrases inachevées, comme dans tant d'autres textes « Pour pouvoir reprendre. Reprendre le – comment dire ? Comment mal dire ? » [45]. Ici la suppression du mot « le – » est associée explicitement au dire, au comment dire et non à la nomination. Le mot qui manque, ici, il semble que c'est bien une question de « comment dire » plutôt que de capacité à nommer.
 
Mais cette conclusion est peut-être forcée par la volonté d'opérer une distinction entre le dire et le mot, distinction qui n'a peut-être jamais existé réellement dans l'œuvre. On peut envisager que pour Samuel Beckett le mot a été très tôt théorisé comme discours, comme théorie du dire et que c'est de cette manière qu'il faut entendre toute réflexion dans son œuvre prenant comme objet le mot : qu'elle vise en fait le discours, c'est-à-dire le « comment dire ».
 
 
Le mot silence
 
La piste est d'autant plus brouillée que parmi les mots, certains traversent l'œuvre avec plus de constance que d'autre, par exemple, « mort », « fin », « silence ». Il est vite fait alors d'en conclure que c'est bien l'œuvre de la fin de l'homme [46] et aussi de la fin du langage, de la littérature, bref de la fin. Ces mots qui disent l'indicible, extraordinaire grand écart, produisent le miracle de dire la fin des mots avec les mots, la fin du discours avec la poursuite du discours, le silence avec les mots, la mort avec la vie, c'est-à-dire, pour l'œuvre, avec le dire. Ce que fait le travail beckettien c'est bien, non pas nommer, car alors ce ne serait pas une œuvre, juste un dictionnaire, mais bien dire et arriver ainsi à représenter l'irreprésentable. Un « indicible » [47] qui n'est que le mot qui manque, le mot usé, à partir duquel s'engage le discours, le dire. « Fin », « mort », « silence », ce sont bien des mots, ils disent à la fois ce qu'ils ont l'air de dire et autre chose, car ils ne disent pas isolément, pris un par un : ils sont le travail du poème. Ils portent évidemment une charge de négativité, mais qui n'est pas celle du langage. D'autre part, ils sont soumis à un traitement complexe. Le mot « fin », par exemple, « end », apparaît souvent couplé de « on », ou « again » et en est ainsi transformé. Le titre For to End Yet Again, installe le terme de « end » dans un tel régime de reprise avec « yet » et « again », et de tension vers l'avant avec « for » et « to », que « end » s'en trouve radicalement transformé et transporté vers quelque chose de l'ordre du commencement et non plus de la fin. Il faudrait donc aller voir de plus près dans quels systèmes de valeurs et dans quelles mises en relations, « mort » ou « silence » sont mis au travail dans l'œuvre.
 
Le silence, un mot sur le silence, sous le silence, ça c'est le pire, parler du silence, puis m'enfermer [...] faire un petit monde [...] un petit monde, chercher comment c'est, essayer de deviner, y mettre quelqu'un, y chercher quelqu'un, et comment il est [...] ce ne sera pas moi, ça ne fait rien, ce sera peut-être moi, ce sera peut-être mon monde [...] [48] 
 
The silence, a word on the silence, in the silence, that's the worst, to speak of silence, then lock me up, lock someone up, that is to say, what is that to say, calm, calm, I'm calm, I'm locked up, I'm in something, it's not I, that's all I know, no more about that, that is to say, make a place, a little world, it will be round, this time it will be round, it's not certain, low of ceiling, thick of wall, why low, why thick, I don't know, it isn't certain, it remains to be seen, all remains to be seen, a little world, try and find out what it's like, try and guess, put someone in it, seek someone in it [...] [49]
 
Ce qu'on peut lire dans cette association de mots, « silence », « pour faire un petit monde », c'est qu'il y est question de chercher, d'essayer d'y trouver le sujet. L'incertitude sans négativité, la recherche comme activité du langage, ici c'est le discours qui crée le monde et le sujet. Dans l'idée de « chercher comment c'est » / « try and find out what it's like » c'est bien d'activité langagière qu'il s'agit, associée à la création, le faire du langage pour « faire un petit monde ». Mais il est indéniable que la question du silence est ambiguë quand le pire y est associé : « Le silence, un mot sur le silence, sous le silence, ça c'est le pire, parler du silence, puis m'enfermer [...] ». De même, la phrase finale de The Unnamable pose ce problème de lecture négative : « it will be the silence, where I am, I don't know, I'll never know, in the silence you don't know, you must go on, I can't go on, I'll go on ». Pour lire « in the silence you don't know », sans le tirer vers la négativité, il faut garder à l'esprit que le non-savoir est une valeur positive dans l'œuvre. Du coup, l'association du silence au non-savoir en fait-il une valeur positive par contamination ?
 
Autre hypothèse, il est possible que le silence ne possède pas systématiquement la même valeur dans l'œuvre à chaque occurrence. Il y aurait d'un côté un discours sur le silence littéral, l'absence de mots et de langage « sous le silence, ça c'est le pire, parler du silence, puis m'enfermer », « To restore silence is the role of objects » [50], mais aussi une autre valeur du silence pris dans le langage, positive celle-là, où mots et silence seraient indissociables :
 
I say what I'm told to say, that's all there is to it, and yet I don't know, I wonder, I don't feel a mouth on me, I don't feel the jostle of words in my mouth, and when you say a poem you like, if you happen to like poetry, in the underground, or in bed, for yourself, the words are there, somewhere, without the least sound, I don't feel that either, words falling, you don't know where, you don't know whence, drops of silence through the silence, I don't feel it, I don't feel a mouth on me [...]. [51]
 
Comment dire le silence avec des mots, en l'évoquant bien sûr (en l'invoquant) et, en effet, le mot silence parcourt les discours des narrateurs, de la même manière que l'aspiration à la fin est sans cesse évoquée également. « How many hours to go, before the next silence, they are not hours, it will not be silence, how many hours still, before the next silence ? » [52]. Mais aussi en postulant des mots prononcés sans le moindre son, « gouttes de silence à travers le silence », mais des mots qui pourtant seraient là « the words are there », c'est-à-dire qu'il s'agit de proposer une théorie du langage, et bien plus de la littérature, comme discours capable de produire du silence, et non d'opposer silence et langage comme le fait Ihab Hassan, dans The Literature of Silence [53], par exemple. Si le silence semble dans une position aussi paradoxale, c'est peut-être parce qu'il existe deux conceptions du silence dans l'œuvre qui sont mises en conflit tout au long des discours : le silence qui fait des trous dans le langage contre celui qui annonce la fin des mots :
                           
The words too, slow, slow, the subject dies before it comes to the verb, words are stopping too. [...] so long as the words keep coming nothing will have changed, there are the old words out again. Utter, there's nothing else, utter, void yourself of them, here as always, nothing else. But they are failing, true, that's the change, they are failing, that's bad, bad. Or it's the dread of coming to the last, of having said all, your all, before the end, no, for that will be the end, the end of all, not certain. [54]
 
Aussi certaines propositions restent ambiguës qui présentent cette question avec une ironie indéniable « je crois au progrès, je crois au silence », semblant du même coup dénier ce qui vient d'être affirmé. L'association « progrès » – « silence », tire le progrès vers une valeur négative.
 
Tout ça c'est des hypothèses, ça fait avancer, je crois au progrès, je crois au silence, ah oui, quelques mots sur le silence, puis le petit monde, ça suffira [...] [55]
 
That's all hypotheses, that helps you forward, I believe in progress, I believe in silence, ah yes, a few words on the silence, then the little world, that will be enough [...] [56]
 
 
 
Le silence paraît lié à un travail de la signifiance qui tire le discours du côté de l'indécidable. Sa valeur est prise entre la positivité d'un mode d'énonciation, la trace du corps et du sujet dans le langage, mais aussi comme risque d'interruption du discours, risque de mort pour le narrateur. La critique beckettienne a régulièrement envisagé le problème du silence dans sa charge négative uniquement. Il ne s'agit pas davantage de le tirer de force vers la positivité. Mais d'examiner sa force critique pour sortir d'une théorie négative et dualiste du langage qui oppose langage et silence comme par évidence. Dans l'œuvre de Beckett, il est question de « faire un petit monde » de mots et de silence avec toute leur force antagoniste aussi bien que symbiotique.
 
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[1] Grand Street, New-York, Vol. 9, No. 2, Winter 1990, pp.17-18.

[2] Beckett, Samuel. Comment dire. Paris, Les éditions de Minuit, 1989.

[3] Beckett, Samuel. Disjecta, Miscellaneous Writings and a Dramatic Fragment, ed. by Ruby Cohn, New-York, Grove Press, 1984, pp. 172-173.

[4] Beckett, Samuel. Dream of Fair to Middling Women. Londres, Calder, 1992, p. 137.

[5] Beckett, Samuel. L'Innommable, Paris, Les éditions de Minuit, 1953, p. 190.
[6] Ibid., p. 9.

[7] Ibid., p. 15.

[8] Ibid., p. 15.

[9] Beckett, Samuel. The Unnammable. In Molloy, Malone Dies, The Unnammable. Londres, Calder, 1959, p. 308.

[10] Ibid., p. 354.

[11] Locatelli, Clara. Unwording the World : Samuel Beckett's Prose Works After the Nobel Prize. University of Pennsylvania Press, 1990 : Locatelli propose une étude du « missaying » : « The narrative reminds us that there is always something missing in the 'said', and that this unwordable lacking can be seen, a posteriori, as the ground and origin of what is said » (p. 233).

[12] Clément, Bruno. L'œuvre sans qualités : rhétorique de Samuel Beckett. Paris : Seuil, 1994, p. 199.

[13] Ibid., p. 199.

[14] Ibid., p. 207.

[15] Blanchot, Maurice. L'Espace littéraire. Paris, Gallimard, 1955. Rééd. Folio, 1988, pp. 44-45.

[16] Beckett, Samuel. Texts For Nothing, 11, in The Complete Short Prose, 1929-1989, ed. by S. E. Gontarski, New-York, Grove Press, 1995, p. 144.

[17] Federman, Raymond. « Le paradoxe du menteur », in Cahiers de l'Herne, dit que le rapport de Moran est (ou sera) frauduleux parce qu'il est postulé sur un fond de narration qui prétend passer pour la vérité, mais qui est en fait inventé, et par conséquent sujet à caution (p. 151)

[18] Beckett, Samuel. Molloy. Paris, les éditions de Minuit, 1951.

[19] L'œuvre sans qualités, op. cit., p.209.
[20] Beckett, Samuel. Happy Days, in The Complete Dramatic Works. London, Faber and Faber, 1986, p. 147.

[21] Rough For Theatre, II, in ibid., p. 243.

[22] All That Fall, in ibid., p. 173.

[23] Ohio Impromptu, in ibid., p. 447.

[24] Molloy, p. 23.

[25] The Unnammable, op. cit., p.

[26] Casanova, Pascale. Beckett l'abstracteur : anatomie d'une révolution littéraire. Paris, Seuil, 1997 : « L'obstacle ultime à l'élaboration d'une littérature abstraite auquel Beckett va tenter de s'attaquer, et qui est aussi le fondement même de la littérature traditionnelles, n'est autre que le mot. Il ne s'agit pas pour lui de réévaluer les mots – il ne cherche pas à 'redonner un sens plus pur aux mots de la tribu' –, ou de ne les utiliser qu'à 'bon escient' comme un bon artisan qui n'emploierait que des matériaux nobles, ni même, comme certains poètes l'ont tenté, de convertir le mot en pure sonorité délivrée du sens. La question est plutôt celle de cette fameuse adéquation, même arbitraire, entre le mot et la chose, l'existence inévitable d'un signifié et d'un référent. Pour aller dans le sens du rien et s'obstiner sur la voie de l'échec comme seule possibilité d'accès à l'abstraction littéraire, il lui faut inventer de nouveaux usages et du mot et de la syntaxe, fabriquer un matériau littéraire inédit en quelque sorte, qui permette d'échapper à la signification, c'est-à-dire à la narration, à la représentation, à la succession, à la description, au décor, au personnage même, sans pour autant se résigner à l'inarticulation. » (pp. 146-147). Je ne suis pas d'accord avec l'idée qu'il s'agit d'échapper à la signification ; je pose au contraire qu'il s'agit d'entrer dans un nouveau régime de signification, au sens où Henri Meschonnic l'entend, par « signifiance ». La théorie de l'abstraction, telle que l'entend Casanova, quoique séduisante, pose problème car elle va de pair avec une pensée de la désubjectivation, et reste donc ancrée dans une pensée dualiste du langage.

[27] Disjecta, op. cit. : « mocking attitude towards the word, through words ».(p. 172).

[28] Beckett, Samuel. Watt. Londres, Calder, 1976, p. 78.

[29] Saussure, Cours de Linguistique Générale. Paris : Payot, 1991 : « La langue est encore comparable à une feuille de papier : la pensée est le recto et le son le verso ; on ne peut découper le recto sans découper en même temps le verso ; de même dans la langue, on ne saurait isoler ni le son de la pensée, ni la pensée du son. » (p. 157)

[30] Janvier, Ludovic. « Traduire Watt avec Beckett » in Revue d'esthétique, numéro spécial Beckett, Jean-Michel Place, 1990, pp. 57-66.

[31] Cité par Ludovic Janvier comme exemple de l'intraduisible dans la langue, ce qui fait une pensée de la traduction comme problème de langue et non de discours : « Pourtant l'intraduisible existe. Et demeure. Quand l'écho repose dans la langue, par exemple. [...] De même quand l'écho résulte d'une rime intérieure, si l'on veut d'une combinaison phonique que seule la structure de la langue autorise », Janvier, Ludovic. « Au travail avec Beckett » in Quinzaine littéraire, 11-28 février 1969, repris dans Cahier de l'Herne, Numéro spécial Samuel Beckett, Paris, 1976, pp. 103-108.

[32] Dessons, Gérard et Meschonnic, Henri. Traité du rythme, des vers et des proses, Paris, Dunod, 1998, p. 31.

[33] Beckett, Samuel. Mal vu mal dit. Paris : les éd. de Minuit, 1981, p. 43.

[34] Ibid., p. 13.

[35] Ibid., p. 10.

[36] Ibid., p. 23.

[37] Ibid., p. 75.

[38] Ibid., p. 53.

[39] Ibid., p. 28.

[40] Ibid., p. 61.

[41] Ibid., pp. 52-53.

[42] Beckett, Samuel. Ill Seen Ill Said, in Nohow On. New-York : Grove Press, 1996, p. 66.

[43] Ibid., p. 74.

[44] Ibid., p. 74.

[45] Ibid., p. 20.

[46] voir Begam, Richard. Samuel Beckett and the End of Modernity. Stanford, University press, 1996 et Hassan, Ihab, The Literature of Silence,New-York : Alfred A. Knopf, 1967, qui traitent cette question différemment.

[47] Dessons, Gérard. L'Art et la manière : art, littérature, langage. Paris : Champion, 2004 : « En tant qu'expérience ordinaire de langage, l'indicible désigne un intervalle entre ce qu'on dit [...] et ce qui est à dire, et qui donne l'impression d'être en avant du sens. Alors, l'indicible n'est pas métaphysique, mais historique, puisqu'il renvoie à cette situation de discours bien connue, où le locuteur, pour des raisons diverses, a le sentiment 'qu'il n'a pas les mots pour le dire' » (p. 323).

[48] L'Innommable, op. cit., p. 197.

[49] The Unnamable, op. cit., p. 373.

[50] Molloy, op. cit., p. 14.

[51] The Unnamable, op. cit., p. 352.

[52] Texts for Nothing, 6, op. cit., p. 125.

[53] Hassan, Ihab, The Literature of Silence : « his words seek to meet their death in silence at some point projected outside of the work », p. 139 ; « the silence composed of the words of Beckett is more pure, and its relevance is universal. As a metaphor of certain literary qualities, it lends itself to sharper analysis. Beckett considers language as a dead habit [...] And silence, literal silence invades the interchanges between human beings » (p. 206).

[54] Texts for Nothing, 2, op. cit., p. 106.

[55] L'Innommable, op. cit., p. 199.

[56] The Unnamable,op. cit., p. 374.



Mireille Bousquet est doctorante à l'Université de Paris 8. Elle travaille à une thèse de doctorat de littérature anglaise sur Samuel Beckett, sous la direction de Claire Joubert : « L'épuisement dans l'œuvre de Samuel Beckett : point critique ou lieu commun ? ».