PRÉSENTATION DU NUMÉRO

Katia Légeret

 

LE jeudi 30 mai 2013, à Paris 8, dans le cadre du projet Labex Arts–H2H intitulé « TRANSCULTURALITÉ(S) : Arts du spectacle vivant et littératures de l’Inde contemporaine », porté par Katia Légeret, les arts du spectacle vivant ont été réunis dans une journée d’étude expérimentale, à la fois théorique et pratique, didactique et poétique, pour déplacer certaines frontières culturelles (langues / langages, oral / écrit, traduction / transmission, scène / public, acteur / spectateur, cultures dominantes anglophones / francophones) par la création d’une réflexion produite conjointement par les artistes sur leur art et par les chercheurs provenant de champs disciplinaires variés et s’intéressant aux arts et aux littératures indiennes.

Ainsi, sous la forme de conférences, démonstrations, entretiens, performances, installations-performances, table ronde et master class, chercheurs et artistes ont présenté leurs travaux, avec la partici-pation des étudiants du département théâtre de Paris 8, du master Erasmus Mundus en « Études du spectacle vivant » et des élèves du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris (CNSAD). Les chercheurs invités venaient de Belgique (ULB/ Bruxelles), de l’Inde (du Kalamandalam au Kerala et de la JNU à New Delhi) ; en France, du Centre Jacques Petit (EA 3187/ Université de Franche-Comté) et de l’UMR 7172 (CNRS/Paris 3/ENS) ; à Paris 8, des équipes de recherche EA 1573 Scènes et savoirs, EA 1569 Trans-ferts critiques et dynamiques des savoirs (domaine anglo-phone), EA 4010 Laboratoire Arts des images et art contemporain et de l’Institut d’études européennes. Cette journée d’étude faisait également partie des événements de « La semaine des arts » de Paris 8 (UFR Arts).

L’Inde contemporaine a donc été le creuset de ces échanges, avec la notion de « tradition » revisitée par l’idée de patrimoine immatériel de l’humanité. Sur la scène de l’amphi 4 du département théâtre, les thématiques et les problématiques abordées par une cinquantaine d’intervenants ont été nombreuses. Le but du présent recueil dans la revue Le Texte étranger est d’en présenter les plus essentielles.

Avec leur approche critique de certaines représentations du corps liées au sacré, au religieux ou à la question du genre, comment ces artistes du spectacle vivant indien s’expriment-ils en termes de rupture ou de transgression envers certaines politiques culturelles de la mondialisation ? Quelles nouvelles écritures produisent-ils à cet effet et de quelle « Inde » s’agit-il ? Sur leurs scènes poétiques ouvertes à la rue, à l’étranger, à l’architecture urbaine ou au contraire aux espaces restreints, réservés, virtuels ou invisibles, pourquoi font-ils le choix récurrent de textes en morceaux sans continuité narrative ? Les formes sont nombreuses : aphorismes, passages transmis oralement, par cœur et non traduits, mots rythmés dans un souffle ou tus, psalmodiés ou récités intérieurement, textualités sensibles des corps écrits qui écrivent, des corps dessinés qui dessi-nent par des gestes ou par des poudres de couleur, textes déchirés, déconstruits, recomposés grâce à la création d’espaces nomades, interstitiels entre ces artistes-chercheurs œuvrant sur l’Inde, souvent de passage. Quel témoignage du monde présent et quel sens donnent-ils à ces déplacements inter/intra-sémantiques, jouant avec les langues, entre la poésie, la danse, le théâtre, le cinéma, la sculpture, la musique, la marionnette et la photographie.

Ces questions sont regroupées autour de trois axes successifs de réflexion : celui de la transmission interculturelle des textes au croisement des disciplines, abordée à partir des enjeux socio-politiques et éthiques du « multi » et du « trans » ; celui de la trans-textualité des langues indiennes à l’épreuve du théâtre et de la danse et dépendante de la réception des textes incorporés par les techniques de l’acteur-danseur ; celui de l’ouverture des discipli-nes, stimulée par certains processus de création inter-artistique.

Avec Anne-Marie Autissier, il s’agit de commencer par questionner les politiques culturelles en Inde, leurs dissonances nationales et leurs résonances mondiales. La « fabrique culturelle indienne » repose sur une diversité d’apports ethniques, culturels et religieux officiellement admise dans la Constitution indienne de 1949. Parallèlement, le droit d’auteur, le plurilinguisme et la liberté d’expression sont consignés dans ce texte fondateur. Pour autant, toute la question est de savoir comment les politiques culturelles fédérales, celles des États fédérés et des collectivités locales peuvent ancrer ces bons principes dans la réalité de la société indienne. Il semble bien que jusqu’aux années 2000, l’État fédéral se soit contenté d’une intervention minimaliste. Le principe d’une coexistence a minima entre communautés laisse notamment prospérer des îlots de censure à l’endroit de l’art, provoquant l’exil d’artistes contemporains. Il s’agit également de comprendre dans cet article comment l’irruption du mondial a eu plusieurs conséquences pour les politiques culturelles indiennes, par exemple le gouvernement fédéral indien a dû adopter des mesures législatives comme l’amendement de 2012 à la loi sur le droit d’auteur (Copyright Act), permettant de garantir des royalties aux compositeurs et aux interprètes. C’est donc un paysage contradictoire que dessinent aujourd’hui les politiques culturelles indiennes, entre la nécessité reconnue de formations aux métiers de la culture et la vivacité des tensions inter-communautaires.

André Helbo propose une approche sémiotique, anthropologique et ethnologique des notions de transculturalité et d’interculturalité, dans leur relation avec le spectacle vivant, qu’il considère comme un objet complexe, polysémique et protéiforme. Si les créations artistiques interculturelles renvoient à des identités culturelles plurielles, devenues poreuses, et qui remettent en question le noyau central de la représentation sociale, l’approche transculturelle se situe au contraire au-delà des cultures: elle permet d’accéder à un « métaniveau », qui témoigne d’une forme de traduction inter-sémiotique, avec le passage d’un système de signes à un autre par l’intermédiaire du polysystème que constitue la réception culturelle. André Helbo nous explique comment « ce passage peut-être tressage, maillage, traversée » et c’est en l’occurrence ce qu’induit selon lui le spectacle transculturel, en tant qu’il relève d’horizons à la fois cognitifs, psychiques, anthropologiques et sémiotiques.

Claire Joubert aborde l’Inde dans le morcellement des disciplines, s’intéressant aux généalogies hétérogènes de la « littérature indienne ». Elle nous fait part d’une ligne de recherche conduite sur le plan de la poétique et des études littéraires, pour ouvrir à la discussion la question sur laquelle elle prend sa dynamique : qu’est-ce qu’un rapport de différence culturelle ? Des politiques de la différence se sont inscrites historiquement dans les théorisations successives du rapport culturel (orientalismes, comparatismes, postcolonialité), et la littérature de l’Inde multiculturelle a pris une place singulière dans ces négociations de la modernité. C’est le jeu de cloisonnement/ décloisonnement dans l’ordre des savoirs sur la culture que cet article propose d’examiner dans le fil de cette histoire, et ses prolongements dans la pratique contemporaine de la critique.

Les deux articles suivants, celui de Karthika Naïr et celui de Katia Légeret, sont écrits en anglais. Ils analysent la dimension trans-culturelle de la création chorégraphique DESH d’Akram Khan, fondée sur une vision du Bangladesh mêlant l’intime et le politique. Nous sommes loin d’un dialogue multiculturel qui se limiterait à vivifier les tensions passées et irréductibles entre le Bangladesh, le Pakistan, L’Inde et les puissances coloniales. Au contraire, les langues indiennes (bengali et hindi), l’anglais et le français sont traversés sur scène par le langage de la danse indienne Kathak, avec son vocabulaire poétique, gestuel et ses syllabes rythmiques, langage qui est lui-même retraduit d’une nouvelle manière par les mouvements d’Akram Khan. Dans son article « Traduction, transmutation d’histoires dans DESH d’Akram Khan », Karthika Naïr retrace le processus de création du texte sur lequel se fonde la création chorégraphique DESH (2011) d’Akram Khan et dont elle est aussi l’auteure. Elle nous explique comment les petites et grandes histoires à la source de cette pièce chorégraphique, qu’elles soient nationales et officielles par leur lien au Bangladesh, ou personnelles et obscures (l’enfance d’Akram Khan), tissent un spectacle fondée sur l’auto-fiction. Elles utilisent le mouvement, la musique, le visuel comme vecteur ou comme support. Les mots en constituent l’ossature, rare-ment visible mais toujours présente d’une manière ou d’une autre. Ils se transforment, se transmuent tout en tenant le fil de l’histoire qui se dit « katha » en langue sanscrite, à l’origine du terme « kathak » danse de l’Inde qui est la première forme d’expression artistique d’Akram Khan.

Katia Légeret (Akram Khan’s DESH : The Wall between India and Bangladesh : artistic crossings) s’intéresse plus particulièrement à la fonction transculturelle de l’élément eau, grâce auquel Akram Khan dépasse les oppositions binaires Inde/Bangladesh, Europe/ sous-continent indien. Il relie intimement la question écologique du réchauffement climatique mettant en péril le Bangladesh par l’inondation de ses terres, avec les tensions physiques et psychiques qui le traversent en tant qu’artiste de la diaspora. Sa danse ne propose pas l’assimilation ou l’absorption de différences culturelles dans un corps devenu une totalité homogène, ni à l’opposé leur accumulation ou leur coexistence repérable dans des gestuelles étrangères successivement multiformes. Au-delà de cette polarité se constitue un espace de jeu dans lequel le geste n’est plus à interpréter avec des signes clairs recomposant librement des matériaux pré-définis (sons, mots, matériaux) mais une variété de « formes en transformation » qui révèlent ces espaces d’étrangeté présents dans toute culture ou langue dite maternelle.

Ainsi, même si DESH met en scène des murs d’incompréhension entre l’Inde, le Bangladesh et l’Europe, ces frontières sont forgées par l’imagination artistique humaine qui déplace, transpose, réinterprète, enrichit des langages culturellement codifiés. L’art aurait ainsi pour fonction de penser ensemble le principe de fluidité qui définit l’esprit et la puissance de l’eau comme condition absolue de toute créativité humaine : la force de cette alliance permet à l’artiste de ne pas céder aux signes géopolitiques d’enfermement et de disparition program-mée de son peuple pris dans un étau chaque jour plus terrifiant, entre le mur des barbelés indiens infranchissables et le mur d’eau d’un tsunami fatal.

Jennifer Post Tyler examine plusieurs enjeux transculturels et interculturels analysés très récemment en Inde par le metteur en scène indien Rustom Bharucha dans son ouvrage Theater and the World : The Performance and Politics of Culture et qu’elle mettra en parallèle avec certains questionnements actuels propres au théâtre des friches, tant en Europe qu’aux États-Unis, notamment dans les anciennes usines. Elle a traduit en anglais l’article de Katia Légeret.

Françoise Quillet étudie le théâtre dansé Kathakali à partir du proces-sus de sa patrimonialisation en Inde mais surtout de sa réception en France, très riche, mais qui n’a fait l’objet d’aucune analyse précise à ce jour. Cet article nous explique en quoi il est urgent voire indispensable de se pencher aujourd’hui sur cette question, d’autant que de nombreux pionniers risquent de disparaître sans avoir laissé de témoignages. Cette approche de la question de la réception ne se limite pas à une simple étude des lieux de programmation, mais précise leur manière de présenter cette forme dansée (conférences, démonstrations, ouvrages présentés) et quelles sont les troupes invitées. Françoise Quillet cherche ainsi à montrer le Kathakali comme une source d’inspiration sur les scènes françaises, car cette forme de théâtre a eu une grande influence depuis 1967 sur la création contemporaine en danse

Anitha Savithri Herr développe les modes de transmission du texte au sein d’une forme spectaculaire indienne appelée Yakshagana. Originaire du Karnataka en Inde du Sud, cet art est extrêmement populaire dans les villages de la côte et il semble avoir une existence ininterrompue depuis environ quatre siècles. Le prasanga désigne à la fois le titre de la pièce jouée et le support écrit qui sert de canevas à la représentation. Un prasanga compte environ trois cents poèmes écrits en prose (sans dialogue ni didascalie) dans lesquels le chanteur (Bhagavat) puise les éléments nécessaires à chaque moment de la représentation. Les acteurs improvisent ensuite un nouveau texte non écrit différent du poème d’origine. Il s’agit dans cette présente étude de présenter le contenu d’un prasanga puis d’étudier la manière dont les artistes (acteurs et danseurs) parviennent à la mettre en scène.

Géraldine Margnac présente une démonstration dansée de plusieurs mises en scène du célèbre chant Âdikkondar de Muthutandavar, compositeur indien ayant vécu au XVIIe siècle. Le texte poétique en tamoul commence par ces mots : « Âdikkondâr anda vedikaï kânan âyiram ‘vendâ mô » que nous pourrions traduire ainsi : « N’aurait-on pas besoin d’avoir mille yeux, pour pouvoir contempler le spectacle de celui [le dieu Shiva] qui a dansé (ou joué) ? ». Ce padam appartient au répertoire du Bharata-Nâtyam, forme de théâtre dansé indien. Avec trois exemples actuels de chorégraphies (celles de Sivaselvi Sarkar, de D. Bhavani et d’Ajith Baskaran Dass) il s’agit de comprendre comment chaque création en propose une version différente. En tant qu’acte poétique, les moments de danse pure et de narration suggèrent, représentent, développent, résonnent, jouent avec le signi-fiant. Ils forment un jeu subtil entre le passé et le présent, où le texte ancien, la musique et le rythme et la portée dévotionnelle de la composition prennent vie avec la mise en scène, la présence des spectateurs, l’expression profonde du maître et de l’interprète, comme autant de « poèmes vivants ».

Nadia Vadori-Gauthier crée une résonance expérimentale et artistique entre une nouvelle forme de transmission des āsana(s) – appris en Inde – et le cadre de la pratique somatique qu’elle développe en France. La forme des postures āsana(s) est essentielle en yoga en tant qu’elle est dépositaire d’une vibration et d’une image. Mais dans l’enseignement, la transmission des āsana(s) n’est pas seulement celle d’une succession de formes mais le déploiement d’une conscience méditative, impliquant le travail combiné de la respiration et d’un travail somatique rigoureux. Cette analyse prend comme exemple sūryanamaskāra, « salutation au soleil » et montre que les noms des postures, qu’ils soient prononcés ou tus, sont une vibra-tion contribuant à la résonance commune des différents éléments impliqués par la pratique. L’auteure nous explique comment la formation en Body-Mind Centering est une discipline somatique qui engage la conscience d’une manière analogue à celle des asanas. Mais le rapport à la forme y est quasi inexistant. Cette pratique consiste en partie dans un apprentissage du mouvement fluide du vivant : en y associant la forme des asanas, en croisant les évocations d’animaux que l’on trouve dans certaines postures de yoga et dans le devenir animal qui peut naître de l’exploration des fluides mis en valeur par cet art du Body-Mind Centering, le corps explore des interstices et il déplace la limite de ses territoires tant culturels que sociaux. Ces ressources, issues de l’expérience réelle du corps en mouvement, nourrissent, les imaginaires, et les processus artistiques de nombreux artistes contemporains

Cristina Epure s’intéresse aux transpositions du vocabulaire codifié de théâtres dansés de l’Inde tels le Bharata-Nâtyam chez les artistes contemporaines de la diaspora indienne, tel Shobana Jeyasingh, née à Chennai et qui a fondé sa propre école de danse à Londres en 1988. Sa création met ensemble ce style indien et une nouvelle réalité, celle d’une ville étrangère, où les corps des danseuses franchissent plusieurs limitations (celles d’un territoire lointain, celles qui sont d’ordre social et du genre) et entrent ainsi en dialogue avec l’architec-ture citadine, fabriquant un « texte » dont les formes géométriques remplacent les mots. Le style de Bharata-Nâtyam qui vise un art total (la rencontre entre la danse, la musique, la poésie, le théâtre, le yoga et l’art martial) posséderait déjà dans sa grammaire la capacité « re-écrit » en s’adaptant à de nouveaux cadres, tels ceux de la ville et de la culture urbaine.

Dans le même ordre d’idées, l’article de Polina Manko analyse « le jeu » du potentiel narratif des gestes dans PLAY (2010), une pièce dansée par Shantala Shivalingappa (danseuse indienne contem-poraine) et Sidi Larbi Cherkaoui. Il s’agit de comprendre à la fois comment le geste dit « narratif » de la danse classique indienne — mis à l’écart de son contexte habituel par divers artistes contempo-rains — continue à signifier et ce qu’il devient, quand il est privé des connotations mythologiques et religieuses qui lui sont toujours associés. Quels moyens, quant à sa qualité, lui assurent toujours son côté narratif ou, au contraire, l’en dispensent.

Quatre vidéos font partie de ce recueil. Ces captations réalisées par Laurent Witmer du département vidéo (UFR Arts / Paris 8) témoignent de moments de transmission et de création lors de cette journée d’étude du 30 mai 2013. Il s’agit d’abord d’extraits de la Master class donnée par le professeur Sajith Vijayan au département théâtre de Paris 8 en musique et théâtre dansé Kutiyattam, théâtre dansé de l’Inde (Kerala), sur l’interprétation de quelques phrases poétiques de La danse de Çiva de Rodin traduites en sanscrit. Sajith Vijayan est musicien professionnel de miravu, percus-sion accompagnant le jeu d’acteur dans le théâtre dansé Kutiyattam à l’université Kalamandalam en Inde. Invité par l’université ULB (Bruxelles) dans le cadre du master Erasmus Mundus « Études du spectacle vivant », il est assisté dans ce workshop par Viviane Sotier-Dardeau, et son enseignement s’adresse aux étudiants en théâtre (Paris 8 et université de Besançon) et à certains élèves du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique.

Puis, dans ce même style de théâtre indien, Viviane Sotier-Dardeau interprète d’une manière originale le Purappatu’, danse d’ouverture. Dans le cadre de sa soutenance de master 2, Viviane Sotier-Dardeau présente ce rituel d’ouverture en Kutiyattam, théâtre dansé de l’Inde (Kerala) d’après le Lalita Purappatu’, manuel de jeu commenté. Elle est accompagnée sur scène par Kalamandalam Sajith Vijayan (percussions miravu) et Thomas Vovantao/Sanga (artiste de Bharata-Nâtyam, étudiant à l’Inalco). Traditionnellement jouée en ouverture de spectacle, cette pièce, composée de courtes danses d’invocations, permet d’introduire les personnages à venir. De carac-tère dévotionnel, elle compte parmi les plus anciennes du répertoire de Kutiyattam, théâtre sanskrit d’Inde du Sud (XIe siècle). Accompagné d’un percussionniste de milavu’, l’actrice-danseuse effectue sur le sol, avec ses frappes de pied, une multitude de figures géométriques. Ces lignes dessinées et rythmées dans l’espace permettent de reconstituer le panthéon des divinités hindoues. Viviane Sotier-Dardeau a choisi personnellement de matérialiser ces lignes en les projetant sur le sol par des dessins, avec pour modèle la forme géométrique du sri yantra. Ces figures sont tracées/révélées sur la scène par Thomas Vovantao, qui suit la progression exacte de ses mouvements et de ses rythmes corporels.

L’article de Nadia Vadori-Gauthier sera complété par des extraits vidéo de sa conférence/performance afin de donner à voir cette résonance expérimentale et artistique entre une nouvelle forme de transmission des asanas du yoga — appris en Inde – et le cadre de la pratique somatique du Body-Mind Centering qu’elle développe en France. Cette captation est complétée par un extrait de la démonstration dansée de Géraldine Marganc dans le style Bharata-Nâtyam puis par celui de la création de Fernanda Docampo, intitulée « Eclats de Mohini-attam : performance théâtre/danse », avec la participation de la compagnie La Teatreria. Elle présente un extrait de son travail de création théâtrale visité par la découverte du Mohini-attam, danse traditionnelle du Kerala (Inde du Sud). La mise en scène du vocabulaire gestuel et rythmique propre à ce style appelé traditionnellement « la danse de l’enchanteresse » s’associe à la recherche personnelle de cette jeune comédienne danseuse venant d’Argentine et étudiante en master théâtre à Paris 8. L’irruption des gestes indiens dans cette pièce tente de multiplier les sens des mots chantés et des histoires narrées en français et en espagnol, créant ainsi un espace imaginaire transculturel propice à la rencontre entre les spectateurs et les artistes.