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« Voix du silence », voies de résistance : L'intime et le politique dans La Vie des autres

Laurent Fleury

Université Paris 7 / CSPRP

La vie des autres (Das Leben der anderen), le film de Florian Henckel von Donnersmarck, fournit un lieu idéal pour l'exploration de l'entrecroisement de l'intime et du politique. Film sur la résistance intérieure, ou « de l'intérieur », La Vie des autres traite de la place de l'intime dans un monde totalitaire, mais aussi du for intérieur, du silence des hésitations, des délibérations, de la secrète décision ou de l'intime conviction de devoir ne pas consentir à la banalité du mal. En proposant cette étude, je poursuivais sans doute aussi le souhait de rendre hommage à ce comédien, Ulrich Mühe qui, aux dires mêmes du réalisateur, « savait jouer des états mentaux » [1].

Pour mémoire, La Vie des autres met en scène un agent du ministère de la Sécurité d'État, le Ministerium für Staatssicherheit appelé communément Stasi [2], Wiesler, professionnel de l'interrogatoire et formateur à l'école de la Stasi qui, accompagnant au théâtre le colonel Grubitz, son supérieur hiérarchique, décide de placer sur écoute Dreyman, écrivain et dramaturge à succès, et sa compagne, Christa-Maria Sieland, comédienne de son état. Petit à petit, Wiesler découvre l'ethos de ces artistes et le monde dans lequel ils vivent et décide de les protéger. Néanmoins, il ne pourra pas éviter la mort de Christa-Maria Sieland. Soupçonné d'avoir dissimulé quelque information, voire falsifié ses rapports, Wiesler connaît alors le chemin qui conduit à la mise à mort sociale : « placardisé » dans un sous-sol mal éclairé, il est condamné à décacheter chaque jour mécaniquement, comme un ouvrier d'usine, des centaines d'enveloppes au service du courrier du Ministère de la Sécurité d'État.

Après la chute du mur de Berlin, Dreyman apprend fortuitement – à l'issue d'une représentation de sa pièce dans l'Allemagne réunifiée – qu'il avait été placé sur écoute ; il se rend aux archives de la Stasi pour consulter son dossier et découvre alors qu'il doit d'avoir la vie sauve à son censeur, HGW du service XX/7, devenu son protecteur.  Voulant aller à la rencontre de Wiesler qu'il voit distribuer des tracts publicitaires, Dreyman le suit en taxi le long de Karl-Marx-Allee ( KMA). S'apprêtant à aller le remercier, il se ravise, retourne chez lui et… deux ans après, publie un roman qu'il intitule Sonate de l'homme bon et qu'il dédie à HGW -XX/7. En une ultime scène, Wiesler, découvrant la publicité de ce livre par une affiche occupant les vitres de la plus grande librairie de la KMA, ouvre le livre, découvre la dédicace que Dreyman lui a destinée, l'achète et, dans un sourire éclairant alors son regard, répond au libraire lui demandant s'il souhaite un papier cadeau : « Non, c'est pour moi ».

Trois perspectives peuvent ici être esquissées pour mieux comprendre l'articulation entre intime et politique. La première, largement présente dans le film, explore la mise à l'épreuve de l'intime : devenu objet du contrôle politique, l'intime se trouve alors scruté, persécuté, éprouvé par le panoptique, ou le « pan-acoustique ». Une deuxième perspective permet de découvrir en l'intime une voie de subjectivation, contrepoint de la dé-subjectivation politique à l'œuvre dans une société totalitaire : nous posons l'hypothèse que le processus de subjectivation se déploie à la faveur d'un éveil de l'intime, par l'expérience de l'altérité lors de la rencontre de l'autre et/ou de l'autre soi-même, et par l'expérience de l'art ici révélée par les émotions esthétiques de Wiesler [3]. Une troisième remarque pourra enfin être proposée quant à la valeur politique de la résurgence de l'intime : l'on découvre alors dans l'intime, une source de résistance aux formes de la domination.

1. La répression de l'intime

L'intime et le politique se découvrent d'abord dans l'écoute politique, au sens de la procédure policière de mise sur écoute de tout ce qui fait la vie des autres, jusque dans l'intimité de leurs accouplements. Le film ouvre ainsi sur une réflexion sur l'oppression dans ses dimensions les plus impalpables, les plus discrètes, apparemment les plus anodines, en nous faisant écouter les silences de la peur et les murs invisibles qu'elle fait naître entre les êtres. La Vie des autres nous rend sensibles à cet entrelacs de l'intime et du politique avec ici comme figures principales de l'intime, un intime, suspecté, persécuté, éprouvé.



1. 1. L'intime suspecté, persécuté

Si l'on accorde à l'adjectif substantivé « intime » les deux sens auxquels il renvoie classiquement, celui d'« union avec autrui » et celui de « vie intérieure », la Vie des autres a fait de l'intime son objet. L'idée d'union avec autrui est présente, puisque les personnes sont étroitement liées à l'instar du couple Dreyman / Christa-Maria mais aussi à l'image de Wiesler qui devient en quelque sorte intime de Dreyman. Le second sens qui renvoie à la vie intérieure, généralement secrète d'une personne, est également fortement présent en Wiesler qui scrute la vie intime du couple Dreyman / Christa-Maria Sieland, comme sa propre vie, en apprenant à l'écouter.

Or, l'intime, au sens de l'amour ou de l'union avec autrui, est d'emblée suspecté. Les totalitarismes ont légiféré sur l'amour. Le régime totalitaire ne souffre pas l'amour, puisque l'amour opère ce que Robert Castel avait nommé la « désaffiliation » en un écrit sur Tristan et Iseult [4]. La politique est l'ennemie jurée de l'amour, car les amants trouvent toujours un instant pour échapper aux tenailles de l'idéologie. L'intime au sens de l'intériorité, dont le paradigme peut aussi être l'écriture, est également suspect, comme l'atteste la surveillance de l'écrivain et dramaturge Dreyman, ou encore la méfiance à l'égard de gens de théâtre en général [5]. L'intime est suspecté en raison du pouvoir de l'imagination, le plus subversif de tous les pouvoirs selon Fichte [6].

La persécution politique de l'intime est alors pratiquée. Dans le film, cette persécution est rendue sensible par la violation du domicile, comme du corps. Plusieurs indices l'attestent : le propos du ministre Hempf qui répond à Dreyman qu'il avait eu « la totale » ; de même en témoignent les perquisitions musclées, avec coussins éventrés et livres abîmés, et ce d'autant plus que la violation semble pratiquée en toute légalité, comme le rappelle la proposition bureaucratique du formulaire remis à Dreyman l'invitant à se faire indemniser des dégâts causés. La persécution politique de l'intime est également rendue sensible par la violation du corps. Les gestes déplacés du ministre Hempf lors de la fête donnée à l'issue de la représentation, comme la grossièreté lubrique avec laquelle il poursuit Christa-Maria Sieland en cherchant à la posséder dans sa limousine, suffiraient à rappeler cette violation de l'intimité. L'atteste également la mise à nu, symbolisée par la mort de Christa-Maria Sieland courant pieds nus, dans la rue où, percutée par une camionnette elle s'écroule comme dépossédée des formes de sa vie [7].


1. 2. L'intime menacé, éprouvé

L'intime, en sa double acception, semble à chaque instant éprouvé dans la Vie des autres, puisque sont également éprouvées l'union avec autrui, et la vie intérieure, la vie secrète de chaque personne. Le lien social est ainsi éprouvé, et ce, dans toutes ses dimensions. L'éradication du moindre espace pour un contact est d'emblée illustré dans la prison de la Stasi, lorsqu'il est demandé au prisonnier que l'on voit de dos dans la première scène du film, de baisser les yeux pour ne pas même pouvoir apercevoir un autre prisonnier marchant au bout du couloir. Le lien amical se trouve éprouvé par les aveux extorqués à l'issue d'un interminable interrogatoire conduisant à l'effondrement du prisonnier épuisé. Le lien de filiation est aussi éprouvé par la peur de Madame Meinecke, menacée par Wiesler de voir sa fille interdite de poursuivre ses études à l'université si elle évente le secret de la mise sur écoute de Dreyman. Le lien conjugal se trouve également éprouvé par la volonté du ministre Hempf de le détruire – il le sera effectivement comme le suggère la scène finale avant la mort de Christa-Maria Sieland, lorsque, dans l'ultime regard se lit la possible destruction de la confiance. Le lien amical et conjugal est aussi éprouvé comme en témoigne  la méfiance des amis de Dreyman à l'égard de Christa-Maria Sieland lors de la scène dans le jardin public.

De même, l'intériorité est éprouvée. La destruction de l'intériorité de l'être est tout à la fois symbolisée par la mort sociale de ce jeune sous-lieutenant, Axel Stigler, ayant osé une « plaisanterie » (Kundera) lors d'un déjeuner à la cantine, par la « mort sociale » (Elias) de Jerska, le metteur en scène banni des scènes allemandes pour avoir signé une pétition, marginalisation qui le conduisit finalement à se donner la mort, au vu de la destruction du sens même de sa vie, mort enfin de Christa-Maria Sieland qui se sent et se sait perdue, après avoir livré le lieu où était cachée la machine à écrire avec laquelle Dreyman avait écrit son article dissident.

2. La résurgence de l'intime

L'intime se lit également dans l'écoute « musicale » de la vie de l'autre, au sens propre et figuré. Tout se passe comme si Wiesler ressentait en profondeur chaque note de la musique qu'il écoute, chaque ligne des poèmes de Brecht qu'il lit, comme si elles pénétraient intimement en lui. C'est pourquoi le cas Wiesler permet de mieux comprendre les moments de pivotement de lui-même, de césure en lui-même, en nous faisant toucher le plus intime du for intérieur. L'intime est ici ébranlé, éveillé par le décentrement opéré par la double expérience de l'art et de l'altérité qui suggère qu'au cœur même d'un processus de dé-subjectivation peut se loger des processus insoupçonnés de subjectivation, généralement inaperçus.


2. 1. L'expérience de l'art

L'expérience de l'art touche à l'intériorité [8]. L'expérience esthétique intervient à trois reprises pour Wiesler et trace cette « voie vers l'intérieur » dont parle Novalis. Wiesler connaît ainsi plusieurs bouleversements en étant touché en sa part la plus intérieure. A plusieurs reprises dont chacune correspond à une rencontre avec une forme d'expression artistique : le théâtre lorsqu'il assiste à la représentation des Visages de l'amour, la tragédie de Dreyman dans laquelle Christa-Maria Sieland joue le rôle de Martha ; les poèmes de Brecht qu'il lit dans un moment de retrait et de silence, allongé sur son canapé ; sans oublier la musique, avec l'interprétation par Dreyman de la Sonate pour l'homme bon, dont l'écoute provoque en lui un bouleversement au point de l'émouvoir aux larmes.

Wiesler connaît alors un ravissement du fait de la puissance d'ébranlement ou des « pouvoirs de décentrement », pour emprunter à Marcuse, que recèle l'œuvre d'art, et que Wiesler connaît sous l'effet (Wirkung, eût dit Weber) de sa découverte du théâtre, de sa lecture de poèmes de Brecht ou encore de son écoute de la Sonate [9]. Il est alors possible de comprendre la logique de la résistance à partir des silences que nous donne à voir et entendre Ulrich Mühe, interprète de Wiesler, lorsque dans le silence de l'écoute d'une voix, celle de la comédienne Christa Maria Sieland, ou dans l'écoute d'un morceau de piano, il décide de protéger l'écrivain et dramaturge, Dreyman et, ce faisant, nous fait entendre le silence de cette délibération intérieure, propre à la résistance qui se révèle, du même coup, acte individuel et intime par excellence, nous livrant ce qu'il y a de plus intérieur, de plus secret, de plus profond en cette décision.


2. 2. L'expérience de l'altérité

L'expérience de l'altérité ébranle également Wiesler, et ce à plusieurs reprises, parmi lesquelles il est possible de rappeler quelques occurrences suggérant sa redécouverte de l'amour, de l'enfance, du féminin. Depuis la loge où il se trouve, c'est dans l'intimité de cintres de théâtre qu'il surprend une étreinte et un baiser entre Christa-Maria et Dreyman. C'est dans l'intimité d'un ascenseur qu'il se trouve face-à-face avec l'enfant qui lui demande s'il est bien « de la Stasi … ». C'est aussi dans un espace public qu'il rend intime (le bar, ou la rue au moment du décès de Christa-Maria Sieland) qu'il apparaît à elle pour lui murmurer qu'elle peut ne pas se rendre au rendez-vous que le ministre Hempf lui a fixé ou pour lui susurrer qu'il avait caché la machine à écrire, quelques minutes avant qu'elle ne succombe au choc de la camionnette qui l'a percutée.

Il s'agit donc bien ici d'émotions intimes et silencieuses. Ainsi de l'inclination de Wiesler pour Christa-Maria Sieland, lorsque dans son observation derrière ses jumelles il ressent un pincement qui vaut pivotement dans le cours de sa propre existence. Ainsi de l'indignation de Wiesler devant la cruauté du colonel Grubitz, son supérieur hiérarchique, se délectant à la seule idée d'avoir trouvé, dans une thèse de doctorat qu'il dit avoir rédigée, les manières les plus définitives d'éradiquer chez un écrivain jusqu'à son désir même d'écrire : en silence, il décide de ne pas lui remettre son rapport. Ainsi également de la fascination, de l'admiration, ou du moins de la considération pour la manière de vivre, l'ethos de Dreyman qu'il découvre dominer des affects tels que la peur ou le ressentiment, pour mieux laisser place à l'amour qu'il découvre du même coup pouvoir exister.

Cette inclination que Wiesler sait écouter en son for intérieur, cette indignation qu'il sait aussi accueillir en lui, comme cette considération qu'il sait cultiver, provoquent donc un éveil de l'intime par l'expérience de l'altérité lors de la rencontre de l'autre et/ou de l'autre soi-même, et par l'expérience de l'art ici révélée par les émotions esthétiques qu'il connaît également. Elles constituent des émotions intimes, des affects vécus silencieusement, qui ouvrent la voie à des formes de résistance. L'analyse de l'entrée en résistance de Wiesler permet alors de comprendre que le résistant définit ni un homme d'engagement, ni un homme de conviction, mais un homme d'affect qui convertit des émotions intimes comme l'amour, ou l'indignation face à l'invivable en courage de le combattre [10].

3. La résistance de l'intime

Une valeur politique de la résurgence de l'intime tient ainsi en ce qu'elle ouvre des voies de résistance pour faire front aux affronts. Dans le film, cette ouverture de voies de résistance semble procéder de l'écoute de voix intérieures. Et si l'on accorde que résister relève de l'intime, sous l'angle de l'intériorité, ainsi que de ses rapports avec l'extériorité, alors il importe de développer une compréhension des espaces de l'intimité, avec soi-même et avec les autres qui peut passer par l'écoute, à l'instar de celle de Wiesler qui, par son écoute de Dreyman et de Christa-Maria Sieland, s'écoute alors lui-même et entend des choses en lui. Si l'on emprunte aux trois dimensions que distingue Roland Barthes, Wiesler traque des indices, découvre des signes et découvre ce que Roland Barthes nomme « l'écoute psychanalytique » [11]. Ce faisant, il entend le vacarme de ses désirs et perçoit que Christa-Maria et Dreyman, tout comme lui, connaissent des expériences semblables, bien que non identiques : l'expérience de l'écoute, l'expérience de la conversion, l'expérience de la résistance.


3. 1. Polyphonies intérieures

La Vie des autres pourrait se caractériser par un silence étourdissant. Wiesler agit en silence, sans faire de bruit, sans dire un mot et sans jamais se plaindre. Wiesler met au silence les personnes emprisonnées. Wiesler passe sous silence la dissidence de Dreyman, en choisissant de ne pas en parler. Wiesler aimerait imposer silence à Christa-Maria Sieland dans l'ultime interrogatoire. Dans son rapport, Wiesler fait silence sur la tentative d'évasion. Le silence désigne ainsi le fait de ne pas mentionner quelques chose dans un écrit : il correspond au fait de se taire et fonde ainsi le secret. Le silence renvoie aussi à cette absence d'agitation, au calme qui caractérise les rues de Berlin Est avant la chute du mur. Absence de bruit, de paroles mais aussi un régime qui oblige à être silencieux, à taire, à se taire.

Sur ce fond de silence apparaissent d'autant mieux les voix intérieures. Il s'agit bien de « voix du silence », pour emprunter à la belle formule de Malraux [12] : la voix de Martha, interprétée dans le film par Christa-Maria qui, sur la scène de théâtre, semble monter du silence pour annoncer la mort d'Arthur ; la voix off que l'on entend lire le poème de Bertolt Brecht, dans la lecture silencieuse de Wiesler ; la voix de l'interprétation pianistique de la Sonate pour l'homme bon que Dreyman interprète en hommage à son ami Jerska qui s'est suicidé. Mais aussi la voix intérieure de Christa-Maria Sieland qui hésite et décide finalement de ne pas se rendre au rendez-vous avec le ministre. Ou encore la voix intérieure de Wiesler qui hésite et décide de ne pas prévenir le check-point d'un possible passage à l'Ouest.

Si l'on accorde que la voix intérieure ne ment pas, il faut alors écouter ce que dit cette voix. Et à bien écouter ces « voix du silence »… l'on y découvre des voies de résistance. Une voix qui nous dit que l'on peut être autre que soi-même, « autrement qu'être » eût dit Levinas, sortir d'une compacité univoque pour mieux accueillir une dualité, voire une pluralité en soi, et ainsi devenir présent à soi et aux autres. Une voix qui nous dit également qu'à la toute-puissance du regard souverain d'une société panopticale, il est possible d'opposer le pouvoir de l'imagination, le plus redoutable pour – et redouté par – les régimes politiques autoritaires, puisque le plus insaisissable, réussissant à déjouer l'emprise panopticale. Une voix qui nous dit enfin que cela peut être autrement que cela n'est. Ici la conscience de la contingence du mal affleure, véhiculant avec elle l'idée que le mal n'est pas nécessaire. Contre la banalité du mal, thématisée par Hannah Arendt, s'esquisse ainsi une « banalité du bien » [13] qui permet de penser la question des « justes » [14], si l'on accorde que par l'acte même de penser, à l'origine de sa résistance, Wiesler figure un « anti-Eichmann » [15].

L'intime conviction de ne pas devoir consentir au mal fonde tout à la fois l'idée d'une contingence du mal, antithétique de la banalité du mal et celle d'un possible héroïsme qui n'aurait plus besoin de se manifester dans des actions exceptionnelles, puisque certains gestes simples, ici empreints de bonté, d'humanité, témoignent de ce qui se loge au cœur des conduites de résistance : une certaine manière pour le sujet de rester présent à soi et aux autres. C'est du moins ce que La Vie des autres nous livre comme enseignement à méditer, nous permettant par là même de mieux penser ainsi conjointement l'intime et le politique


3. 2. Restauration de l'intime

Ecouter ce que nous disent ces voix du silence offre donc quelques voies de résistance dont les vertus ne tardent guère à se manifester. Une intimité entre les êtres se dessine alors, telle un partage du sensible que je qualifierai d'invisible, qu'il s'agisse de la relation entre Wiesler et Christa-Maria – dans le bar ou dans la rue – ou de la relation de Wiesler à Dreyman. La dédicace de celui-ci scelle ce partage invisible du sensible. L'écoute de Christa-Maria est aussi présente dans un moment là aussi crucial : au bar, où elle s'est réfugiée après avoir quitté l'appartement malgré les supplications de Dreyman lui enjoignant de ne pas rejoindre le ministre Hempf, elle écoute Wiesler lui souffler qu'elle n'a pas besoin de se rendre à ce rendez-vous. Quant à Dreyman, il écoute le monde et s'écoute lorsqu'il tente d'accueillir la douleur de la nouvelle de la mort de Jerska en s'écoutant interpréter la Sonate de l'homme bon, dernier cadeau qu'il avait reçu de son ami, tel un legs à méditer, ou à écouter.

L'intériorité réapparaît également dans cette image finale, où le visage de Wiesler s'éclaire lorsqu'il répond au libraire lui demandant s'il souhaitait un papier-cadeau : « non, c'est pour moi ». « Seconde naissance », comme l'eût dit Hannah Arendt qui thématise plus encore l'accès à la subjectivation politique. Par cette ultime scène, Florian Henckel von Donnersmarck termine le film par une image de plénitude : le héros, goûtant la joie de l'instant, découvre sa renaissance, ou l'action réciproque de la résistance et de la naissance à soi et aux autres. Une joie se lit en effet dans le sourire de Wiesler et illumine son visage s'ouvrant pour la première fois et devenant alors rayonnant, lorsqu'il répond au libraire « Es ist für mich » (« C'est pour moi »). Wiesler est ravi, au sens étymologique du mot. Baigné par la lumière passant par les baies vitrées de la Karl-Marx-Buchhandlung, son visage s'illumine. Dans l'éclosion du sourire qui inonde de lumière son regard et l'humanise, l'œil découvre la jeunesse du visage de Wiesler. Ce visage plein de sens, mais où rien nulle part n'était souligné ou résumé, comme c'est l'habitude, en traits de caractère, apparaît alors lisse, sans  plis, comme « lissé par ce qui se passait à l'intérieur » [16].

Cette écoute fraye donc une voie de résistance, de micro-résistance qui ne cède pas sur l'idée que peut exister une « utopie de l'humain » [17], que Levinas percevait aussi dans l'utopie du livre, par lequel le film se clôt et s'ouvre dans un même mouvement : le livre que Wiesler s'apprête à lire est le film que l'on vient de voir. Et en l'écoutant, on a entendu l'idée selon laquelle, pour résister à la désaffection de l'être, l'écoute de la voix intérieure se révèle être une voie, allant de l'intérieur vers l'extérieur.

Conclusion : La réinvention du politique à une « petite échelle »

Le film soulève ainsi toute une série de questions éthiques et politiques telles que celle du consentement – ou de son refus – qui se loge dans la délibération intime, ou celle de la culture de la peur qui gagne insidieusement la vie intérieure, ou encore celle de l'amour dans une société totalitaire qui touche à la répression de l'intime [18]. Toutes ces questions rappellent chacune l'étroite intrication de l'intime et du politique qui se conjuguent ici à l'occasion de plusieurs types d'écoute qui s'entrecroisent également.

En premier lieu, l'écoute politique bien sûr, au sens de la procédure policière de mise sur écoute de tout ce qui fait la vie des autres, mais aussi l'écoute musicale, sans oublier enfin, l'écoute psychologique de « la vie de l'autre » ouvrant à l'écoute de ses propres émotions provoquées par la découverte du semblable. Ce qu'il faut garder à l'esprit – que la position de spectateur pourrait nous faire oublier -, tient dans le fait que Wiesler, lui, ne voit pas Dreyman. Il l'écoute. Il imagine seulement, avec cette subtilité qu'il déploie dans la compréhension des états mentaux. Si on le voit écouter, lui ne voit pas ce qu'il écoute sauf par l'imagination. La vie de l'autre, comme autre soi-même, se déploie dans son imagination, dont il découvre les vertus émancipatrices.

Aussi, loin d'un repli sur soi régressif, l'intime est ici synonyme d'une « réinvention du politique à une toute petite échelle ». La délibération intime de Wiesler vaut pouvoir d'effraction, « une brèche offrant un espace pour élaborer d'autres possibles, voire des utopies ». Cette conclusion confirme l'hypothèse selon laquelle l'intime est, de fait, à même de constituer une interruption, un décalage, un anachronisme, présentant d'autres perspectives, par rapport à l'ordre établi permettant ainsi de mieux comprendre la logique de la résistance individuelle à une forme totalitaire de régime politique. Contrepoint de la dé-subjectivation politique à l'œuvre dans une société totalitaire, l'intime s'avère ainsi une voie possible de subjectivation. La valeur politique de la résurgence de l'intime se découvre alors puisqu'une source de résistance aux formes de domination se déploie au cœur de l'intime.

L'intime se révèle ainsi, contre toute attente, une bonne échelle d'observation pour comprendre les dimensions du politique comme la logique de la résistance : au cœur d'un régime totalitaire, la résistance de Wiesler s'avère à la fois furtive, presqu'invisible, et tout à la fois efficace, lors même que son commencement se loge dans le for intérieur d'une délibération. De même, l'intime se révèle la bonne échelle d'observation pour comprendre l'émancipation de formes de domination, émancipation qui ne se pense plus du haut pour le bas, du centre pour les périphéries, mais qui procède d'une décision individuelle, singulière.

En ce sens, une réflexion sur l'intime s'avère particulièrement féconde pour penser le politique et oblige à reposer la question épistémologique de ce que l'on peut connaître de l'intime puisque comprendre cette manière, pour le sujet, de rester présent à soi et aux autres, passe par des gestes, des façons de se conduire, des manières de convertir des émotions intimes en gestes de micro-résistance prenant alors une valeur éthique et politique.

L'on découvre alors le moment politique de l'acte de penser, indissociable de l'acte d'imaginer, qui suggère dès lors possible le déploiement de l'utopie telle que Marcuse l'entendait dans son chapitre 7 d'Eros et civilisation où il insistait sur la faculté de l'imagination à libérer la réalité historique des formes de la domination et à l'orienter vers un principe de civilisation d'où aurait disparu la « sur-répression ». Sous une perspective ouverte par Michel Foucault ou à Michel de Certeau, une microphysique des pouvoirs pourrait alors se substituer à une analyse de la toute-puissance, concluant à son illusion  [19]. Plus encore, pour emprunter au « choix du petit » que Miguel Abensour proposait dans sa postface aux Minima Moralia de Theodor Adorno [20], cette façon de résister porte en elle une transfiguration de l'héroïsme ou, plus précisément, de la disposition héroïque à l'œuvre dans la vie des autres qui trouve des voies de résistance dans l'écoute de la valeur politique des « voix du silence ».

Bibliographie

Le scénario du film de Florian Henckel von Donnersmarck a paru sous le titre : Das Leben der anderen. Filmbuch (Suhrkamp, 2006), et a été traduit en français par Olivier Mannoni : La Vie des autres (Éditions Saint-Simon, 2007).

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[1] Florian Henckel von Donnersmarck « Appassionata : Die Filmidee », in Das Leben der anderen. Filmbuch, Francfurt-am-Main, Suhrkamp, 2006, pp. 169-170.

[2] Clemens Volnhals, « Das Ministerium für Staatssicherheit. Ein Instrument totalitär Herrschaftsausübungen », in Sozialgeschichte der DDR, Klett-Cotta, 1994.

[3] Michel Foucault, L'herméneutique du sujet, Cours au Collège de France (1981-82), Gallimard-Seuil-Hautes Études, 2001.

[4] Robert Castel, « La désaffiliation à la lumière du mythe de Tristan et Iseult », Le Débat, 61, 1990, pp. 152-164.

[5] Sonia Combe, Une société sous surveillance. Les intellectuels et la Stasi, Albin Michel, 1999.

[6] Johann G. Fichte, De la liberté de penser, traduction de l'allemand par Jules Barni, révision de la traduction, notes et postface par Cyril Morana, Édition Mille et Une Nuits, 2007. Voir aussi Jean-Christophe Goddard, « La résistance au pouvoir dans la pensée de Fichte », in Jean-Christophe Goddard et Bernard Mabille dir., Le pouvoir, Paris, Vrin & Intégrale, 1994, pp. 163-177.

[7] Giorgio Agamben, « Forme-de-vie », in Moyens sans fins. Notes sur la politique, , Éditions Payot & Rivages, 1995, rééd. « Poche / Petite Bibliothèque », 2002, pp. 13-24.

[8] Hans-Georg Gadamer, « Dégagement de la question de la vérité : l'expérience de l'art », in Vérité et méthode, Éditions du Seuil, pp. 25-99.

[9] Hans-Robert Jauss, Ästhetische Erfahrung und Literarische Hermeneutik, Suhrkamp, 1982.

[10] Laurent Fleury, « Affects et résistance : le cas "Wiesler" dans La vie des autres », Nouvelle Revue de Psychosociologie, n° 7 : « La résistance créatrice », 2009, pp. 49-70.

[11] Roland Barthes, « Écoute », in L'obvie et l'obtus. Essais critiques III, Paris, Éditions du Seuil, 1982, pp. 217-230.

[12] André Malraux, Les voix du silence, Gallimard, « La Galerie de la Pléiade », 1951.

[13] Pierre-Emmanuel Dauzat, « Les enfants d'Antigone ou la banalité du bien », préface à Hans et Sophie Scholl, Lettres et carnets, édition établie par les soins d'Inge Jens, traduit de l'allemand et annoté par Pierre-Emmanuel Dauzat, Tallandier Éditions, 2008, pp. 11-30.

[14] Tzvetan Todorov, Tentation du mal. Tentation du bien. Enquête sur le siècle, Éditions Robert Laffont, 2000. Ainsi que Michel Terestchenko, Un si fragile vernis d'humanité. Banalité du mal, banalité du bien, Éditions La Découverte, « Recherches », 2005.

[15] Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, Gallimard, 1966 ; traduit par Anne Guérin (revue par Martine Leibovici), in Pierre Bouretz dir., Les origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem, Paris, Gallimard, 2002, p. 1065.

[16] Robert Musil, L'Homme sans qualités II, traduit de l'allemand par Philippe Jaccottet, Éditions du Seuil, 1956, rééd. Folio, 1982, p. 16 et p. 25.

[17] Miguel Abensour, « L'utopie des livres », in Miguel Abensour et Anne Kupiec dir., Emmanuel Levinas et la question du livre, Institut Mémoires de l'édition contemporaine, IMEC Éditeur, « Inventaires », 2008, pp. 67-88.

[18] Anna Funder, Stasiland, roman traduit de l'anglais par Mireille Vignol, Edtions Héloïse d'Ormesson, 2002.

[19] Michel Foucault, Le gouvernement de soi et des autres, Cours au Collège de France (1982-83), Gallimard-Seuil-Hautes Études, 2008.

[20] Miguel Abensour, « Le choix du petit », in Theodor W. Adorno, Minima Moralia, Réflexions sur la vie mutilée [1951], trad. Eliane Kaufholz et Jean-René Ladmiral, Paris, Payot, « Critique de la politique », 1991, pp. 231-243.




POUR CITER CET ARTICLE

Laurent Fleury, « "Voix du silence" , voies de résistance : L'intime et le politique dans La Vie des autres », Le Texte étranger [en ligne], n° 8, mise en ligne janvier 2011.
URL : http://www.univ-paris8.fr/dela/etranger/pages/8/fleury.html