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L'intime du politique : poème, histoire, peuple

Claire Joubert

Université Paris 8
Polart – poétique et politique de l'art

DANS les débats nourris qui ont pu être développés grâce aux échanges interdisciplinaires et interculturels exceptionnellement riches de ce colloque, dans la matière historique multiple qu'ils ont mobilisée et les entrelacs de perspectives qui ont pu s'y générer, je voudrais suivre l'apparition d'un fil problématique, traversier, où le terme qui semblait peut-être le plus circonstanciel parmi les quatre paramètres de la question posée – le contemporain – vient prendre un relief inattendu. Il s'agit de l'histoire de l'intime, de la multiplicité de ses régimes historiques ; de la formation – c'est-à-dire de la production politique – de l'intime, et du politique, comme formes anthropologiques. Ses déclinaisons dans les différents contextes historico-culturels évoqués par la trentaine d'études présentées soulignent précisément combien il est intéressant de délier le paradigme de l'intime, en le discernant de l'individuel, du privé, du personnel, du sujet, du soi, du moi, du je, de l'identité (etc.), dans leurs histoires culturelles interconnectées mais distinctes ; de ressaisir l'épaisseur historique de sa structuration par l'opposition intérieur/extérieur, par l'affect, par la sexualité, le corps, l'anti-socialité, « les corps, les gestes et les désirs de chacun » [1], en regard du pôle où il s'agira également alors de dénouer le politique du public, du social, du collectif, du culturel, etc.

En effet l'idée d'« une réinvention du politique à partir de l'intime » est peut-être à ne pas réserver aux arts contemporains – en évitant pour autant d'en faire le lieu d'un anhistorique transculturel, une nature de la société humaine. Elle appartient au mouvement large d'une double histoire la privatisation en Europe, amplement documentée et balisée déjà par les historiens de la modernité, et pensée par Weber comme émergence de l'individualisme, esprit du capitalisme ; par Arendt et Habermas comme réarticulation du social dans des partages inédits du privé et du public ; par Foucault comme inauguration du régime du biopolitique. C'est dans la relation serrée entre la réinvention moderne de ce que nous appelons maintenant « politique » par le démocratique, l'émergence de la forme anthropologique « individu », liée à la notion de propriété privée, et les transformations culturelles où se forgent la notion romantique de « littérature » et l'espace social autonome de « l'art », que viennent se tendre les lignes oppositionnelles entre intime et politique, en compacts politico-culturels chaque fois particuliers. L'intime et le politique y sont liés par cette naissance jumelle, comme aussi l'institution discursive de la critique littéraire : pour ce rappel on peut évoquer simplement la généalogie de l'espace public bourgeois, proto-démocratique et national, dans les coffee houses londoniennes où naît la critique, inséparablement littéraire et politique [2]. De même s'agissant de l'art, évoquer la mutation romantique qui met en place son nouveau fonctionnement social comme publication : l'œuvre comme activité de production du peuple ou de peuples, dans l'embrayage transsubjectif de l'individuel à un public à venir et, conjointement, dans le frayage du public par l'intime, le minoritaire, la voix idiomatique. L'œuvre comme un rapport de public expérimental : réinventions d'un rapport de culture, critique et amorce de peuples – les Gens de Dublin, de Joyce ; le Inland de Tariq Teguia.

Pour tenir le souci de ce détail de spécificité qui est nécessaire à l'observation de ces interactions mobiles, je voudrais évoquer deux séquences singulières dans ces histoires en faisceau, l'un avec Virginia Woolf permettant d'illustrer les expériences d'historicité menées très délibérément dans les pratiques artistiques postromantiques – ici, il s'agira des accélérations de modernité effectuées par les Modernistes anglophones dans les partages culturels entre intime et politique dont ils héritaient, et qui ont largement contribué à amplifier et développer le rapport historique moderne nouant ensemble individu subjectif, politique, et art – ; l'autre en interrogeant la possibilité de toucher quelque chose d'une situation contemporaine de ces nouages, avec le trope postcolonial en littérature.

La notion de « modern fiction » [3] explorée par Virginia Woolf est indissociable de ce qu'on connaît de ses innovations dans les formes culturelles de l'intime ; qu'on a pu désigner par les catégories critiques du « roman psychologique », ou du « stream of consciousness », tout en conservant actifs les repères génériques qui identifient dans son œuvre les formes déjà classiques du journal, de la correspondance, de l'autobiographie, de la biographie, de l'essai. Cette modernité est pensée par Woolf comme nécessairement à la fois littéraire (« modern fiction »), éthique (sa notion clé de « modern character  » valant à la fois, selon la double valeur sémantique du mot en anglais, comme indice d'une modernité du personnage de fiction et de celle du « caractère humain » [4]), et politique : liée à la transformation d'un rapport de public ; à l'entreprise même de transformation du « British public » par la création – moyennant un « effort [littéraire] effroyable » – d'un « common ground », ou terrain politico-culturel commun [5]. Et c'est bien dans les plans de l'intime que se construit le rapport de public qui va impliquer jusqu'au féminisme politique engagé de Trois guinées (1938), et faire valoir la figure de Woolf comme « foremother » [aïeule et devancière] [6] majeure, ressource de politisation, pour les féminismes culturels anglais et américains générés dans la seconde moitié du XXe siècle.

Chez Woolf c'est l'intime du politique qui est travaillé pour engager la modernité : à la fois engager le processus de la réinvention et, puisque le geste est consubstantiel, engager la littérature dans ses implications politiques. C'est au plus près du « caractère humain », et au ras de la micro-histoire : dans la figure de « Mrs Brown », la passante ordinaire dans la métropole moderne, qui fonctionne comme personnage concep­tuel allégorisant l'inséparation entre une socialité et une littérarité modernistes [7] ; dans la célébration archéologique de « Anon. », cet indice d'une instance auctoriale collective, populaire, qui prédate la notion d'auteur individuel publiquement nommé mais fournit aussi un modèle pour une littérature qui perce « entre les actes » des modes culturels majoritaires contemporains [8] ; dans les replis anonymes des « Lives of the Obscure » [9], ces subalternes de l'historiographie anglaise, memoir contre Histoire. Dans, également, la révision de la forme biographie, où s'était inscrite toute la puissance patriarcale des grands récits de grandes vies, par un travail réitéré de minoration minutieuse : les essais qui encouragent les frayages de la modernité dans la biographie et dans la correspondance, soit le déboulonnage des tropes de l'individualité héroïque victorienne [10] ; la carnavalisation de l'histoire littéraire par la biographie travestie que constitue Orlando (1928) ou celle, décalée, du chien de Elizabeth Barrett Browning (Flush , 1933).

Le « modern » chez Woolf est précisément cette force de minoration énonciative qui se ressource à l'infra-politique pour renégocier les formes du « British public » ; pour démassifier, poétiquement, les tropes culturels de la philosophie politique bourgeoise. Il y a bien une modernité du rapport intime/politique ici, qui creuse mais aussi continue de prolonger la question du partage entre privé et public qui forme l'horizon symbolique et politique, dissensuel, de la modernité. Maintenant y a-t-il un état contemporain de ce rapport ? Si réinvention – non seulement artistique – du politique par l'intime il y a, y a-t-il une spécificité historique de ce processus dans l'actualité des pratiques artistiques ? De nouveaux régimes artistiques du rapport intime/politique sont-ils en train d'apparaître ?

Je ne suis pas sûre de sentir des ruptures vraiment décisives – pas même dans les redistributions qui ont effectivement commencé à se manifester dans les pratiques de la sphère publique et de la publication sur internet, ou dans les transformations mondiales de la forme Etat-nation et des modes de la représentation politique, ou encore dans les développements du biopolitique dans les pratiques de la surveillance électronique. Il semble pourtant possible d'identifier, dans ce que Fredric Jameson pointait dès 1986 comme les « allégories nationales » émergeant de la « littérature du tiers-monde » [11], une zone artistique où cette articulation est en effet travaillée explicitement, et en des termes renouvelés. En des termes qui retrouvent un tranchant neuf même s'ils appartiennent clairement toujours au paradigme moderne où s'ancrent les formes culturelles historiques que sont les notions mêmes d'« art » et de « littérature » telles que nous les entendons. Dans la nouvelle poussée littéraire identifiable dans les réalismes magiques latino-américains et dans les poétiques « translatées » des romans de la diaspora postcoloniale, maintenant déjà historiquement associé aux décennies qui viennent de s'écouler [12], on lit explicitement la reprise critique du rapport littérature/nation, scellé au moment de l'invention du roman. Les expériences se succèdent, de production d'histoires nationales alternatives, d'énonciations qui travaillent sous l'horizon de la Culture, de l'Histoire et du national, et dans les modes mineurs qui mêlent autobiographies, récits de voyage, ethnographies bricolées, témoignages, mise en voix de discursivités subalternes, populaires et infra-nationales, sexuellement opprimées et contre-patriarcales.

Ces déterritorialisations du contrat culturel, qui nouait dans le roman un certain compromis historique entre intime et politique, sont aussi partie prenante d'une reterritorialisation, en particulier quand leur valeur critique est captée par les nouveaux consensus du postcolonial. Ces pouvoirs critiques se font et se défont, et les phénomènes d'institutionnalisation – par l'université, par le marché mondial de la culture, par les idéologies (le « dialogue des cultures » ici, ce soft power de la mondialisation) – ne cessent de transformer en « Vraisemblable » idéologique [13] les réinventions énonciatives du travail poétique. Je voudrais souligner dans ce contexte, pour nous en réapproprier les percées, les incisifs très particuliers de deux œuvres contemporaines, celle de V.S. Naipaul et celle de J.M. Coetzee, natifs respectivement de Trinidad et d'Afrique du Sud. Si tous les deux sont lauréats du Prix Nobel de littérature, leurs œuvres épineuses tiennent pourtant leur pouvoir critique, moteur de réinvention transsubjective, de leur résistance au lissage idéologique dans le trope tiers-mondiste puis « postcolonial ».

Pour le cas de Naipaul, il suffit de se souvenir que les contradictions idéologiques – entre la tendresse analytique de son attention aux situations sociales des subalternes vivant dans les cultures déchiquetées de tous les recoins de l'ex-Empire britannique, et ce qu'il appelle lui-même son « hystérie » conservatrice, jusqu'à islamophobe [14]  : la fragilité identitaire dont il hérite comme sujet colonial – sont le point de départ et la relance problématique que reconnaît Homi Bhabha dans son propre projet pour repenser la culture par le double prisme anti-essentialiste de la différence et de l'historicité du discours [15]. De même la puissance de controverse, dissensuelle, que porte le projet poétique de Disgrace [16] (1999), dans une Afrique du Sud émergeant de l'apartheid, vient trancher de manière choquante dans les plans culturels que la nouvelle unité nationale s'efforce de consolider. Contre les réifications de la nation, jusque dans un tel moment euphorique, et progressiste, du nationalisme, l'écriture de Coetzee continue pourtant son travail d'exploration dans les pouvoirs décapants de la « middle voice »  [voix moyenne »] : son expérimentation implacable des conséquences politiques auxquelles mènent les ouvertures sourdes de cet entre-deux dans les contrats énonciatifs qui régissent la voix culturelle et politique, entre actif et passif, entre le je-nous de l'acteur de la cité et le il de l'exclus [17] – entre « bourreau et victime », si on laisse résonner la référence beckettienne présente partout dans l'œuvre de Coetzee. Pour une illustration impressionnante des potentialités de ces inventions énonciatives, je n'évoquerai que la performance artistique (au sens théâtral, tel qu'en usage dans le discours de l'art contemporain) que constitue la prise de parole de Coetzee lors de la rituelle conférence donnée à l'occasion de la remise du Nobel, en 2003. La lecture du texte, intitulé He and His Man [18] et tout entier conduit dans les modes polyphoniques de la troisième personne, constitue une intervention, au scalpel, dans les codes de la reconnaissance littéraire internationale : critique poétique pénétrante, troublante, d'un je de l'auteur, de sa fonction culturelle de voix singulière à valeur publique, du contrat fictionnel, et du trope de l'engagement littéraire.

En « dépeuplant » un certain je culturel paradigmatique – en décapant un régime discursif aussi radicalement que fait Le Dépeupleur, cette prose de Beckett qui répond elle aussi à divers nationalismes, postcoloniaux et néo-impériaux, du XXe siècle [19] –, ce texte vient confirmer la vitalité continuée d'une conception post-romantique de l'art : c'est bien la littérature comme pratique réinventrice de peuples, critique des peuples hégémoniques, qui opère ici. Bien l'essai des inconnus du rapport politique ; l'exploration de transsubjectivités à venir.

Ce pouvoir critique du poétique n'est pas une essence. Il appartient à l'histoire culturelle de la modernité européenne, forgée en particulier dans la pensée romantique, et relayée par les multiples réinventions de la modernité : le poème pensé par Rimbaud comme « vraiment un multiplicateur de progrès ! » [20], l'œuvre picturale pensée par Beckett comme « tableau d'avenir » et « usine à temps » [21] ; vitesse même de l'histoire des sociétés humaines. Si elle a déjà une histoire longue, cette solidarité du poétique avec le politique dans le processus de la modernité n'en reste pas moins capable d'une pénétration analytique des spécificités du présent. Les œuvres de Naipaul et de Coetzee ont déjà accumulé une charge critique impressionnante, et va être précieuse pour les inventions politiques exigeantes qui nous reviennent dans prochaines décennies pour continuer à vivre, de manière créative si possible, les conséquences intimes des nationalismes, colonialismes, et mondialisations néocoloniales produits par l'âge du capitalisme.



[1] Ceci en écho à l'une des références proposées par Célia Bense, qui a assuré la modération de la table ronde, dirigeant l'attention vers cet extrait de la Survivance des lucioles, de Georges Didi-Huberman (Paris, Minuit, 2009, p. 20) : « Il s'agit de dégager la pensée politique de sa gangue discursive et d'atteindre par là ce lieu crucial où la politique s'incarnerait dans les corps, les gestes et les désirs de chacun ».

[2] Jürgen Habermas, L'Espace public [1962]. Trad. Marc B. de Launay, Paris, Payot, 1992.

[3] Virginia Woolf, « Modern Fiction » [1918], in : The Common Reader (vol. 1) [1925], London, Vintage, 2003, pp. 146-154.

[4] « And now I will hazard [an] assertion  […] to the effect that in or about December 1910, human character changed. […] All human relations have shifted-those between masters and servants, husbands and wives, parents and children. And when human relations change there is at the same time a change in religion, conduct, politics, and literature » (Et je vais maintenant risquer une affirmation […] selon laquelle en ou autour de décembre 1910 [date de la première exposition post-impressionniste à Londres], le caractère humain a changé. […] Tous les rapports humains se sont transformés – ceux qui existent entre maîtres et serviteurs, entre maris et femmes, entre parents et enfants. Et lorsque les rapports humains changent il y a en même temps un changement dans la religion, la conduite, la politique, et la littérature. [ma traduction]) Virginia Woolf, « Mr. Bennett and Mrs. Brown » [1924], in : The Captain's Death Bed and Other Essays [1950], London, Hogarth, 1981, pp. 90-111, p. 91-92.

[5] Ibid ., respectivement pp. 106, 105 (« the appalling effort of saying what I meant »), et 105 : « I should have to experiment with one thing or another; to try this sentence and that, referring each word to my vision, […] and knowing somehow that I had to find a common ground between us, a convention which would not seem to you too odd, unreal, and far-fetched to believe in. » (« j'aurais dû expérimenter ceci ou cela ; essayer cette phrase-ci ou celle-là, rapportant chaque mot à ma vision, […] et tout en sachant que d'une manière ou d'une autre je devais trouver un terrain commun entre nous, une convention qui ne vous paraisse pas trop étrange, irréelle, et forcée pour y croire. » [ma traduction]) 

[6] C'est autour de l'absence d'une tradition féminine littéraire et culturelle, qui aurait été impossible à inscrire dans l'histoire patriarcale de l'Angleterre, que se joue l'argument de A Room of One's Own (1929), et que peut s'imaginer dans l'essai la recomposition, éventuellement imaginaire, d'une telle histoire – avec à sa source la figure fondatrice d'un canon alternatif de Judith Shakespeare, sœur fictive de William.

[7] Ce personnage qui, en opposition au prototype réaliste édouardien que représente dans l'essai la Hilda Lessways d'Arnold Bennett, incarne une nouvelle génération de « caractère » romanesque, si moderne et encore labile qu'il faut à la romancière une course poétique débridée pour en saisir les nouvelles vitesses (« My name is Brown. Catch me if you can » : « Mon nom est Brown [c'est-à-dire Dupont ou, pour parler en continuation poétique d'Homère : Personne]. Attrape-moi si tu peux. [ma traduction], « Mr. Bennett and Mrs. Brown », op. cit., p. 90. Minoration, également, de la figure du « man in the street » : quel bouleversement idéologique, si « l'homme » de la rue était une femme ? Et si, conjointement, la place d'une femme était dans la ville et non dans la maison, comme l'ange du foyer victorien (« the angel in the house ») ? Dans « une chambre à soi », plutôt que dans la Maison de poupée (critiquée par Ibsen) du drame bourgeois ?

[8] V. Woolf, « Anon. » (posth.), édition critique publiée par Brenda R. Silver, Twentieth Century Literature, 25, 1979, pp. 382-398.

[9] L'essai « Lives of the Obscure », est inclus dans le recueil The Common Reader (vol. 1), op. cit., pp. 106-133. La conception d'une voix anynonyme, collective et polyphonique, par le retravail de l'ancienne forme culturelle de la pageant , est l'objet-même de la recherche poétique entreprise dans le dernier roman de Woolf, Between the Acts (1941) – une méditation sur la nation, et le peuple littéraire, en temps de Guerre mondiale.

[10] Je pense à « The Art of Biography » (The Death of the Moth, London, Hogarth, 1942, pp. 119-126), « The New Biography » (1927), « Modern Letters » (The Captain's Death Bed, op. cit., pp. 135-139). Il est utile de garder en tête ici le fait que le père de Woolf, Leslie Stephen, avait été le maître d'œuvre d'une des grandes entreprises culturelles de l'ère victorienne, le Dictionary of National Biography.

[11] Fredric Jameson, dans l'essai « Third-World Literature in an Era of Multinational Capitalism » (1986).

[12] On peut prendre 1981, année de la publication des Enfants de minuit, comme date clé (Salman Rushdie, Midnight's Children, London, Jonathan Cape). C'est de S. Rushdie aussi que Homi Bhabha reprend la notion de «  translated men » [hommes traduits/translatés, dans les processus de migration linguistique et territoriale des mondialisations coloniale et postcoloniale], qui va devenir dans les années 1990 et 2000 un trope politico-théorique majeur, auxiliaire de l'institutionnalisation des Postcolonial Studies, et de leur réinvention des disciplines d e la littérature et de la culture dans les milieux académiques anglophones.

[13] Je pense à la notion de « Vraisemblable critique », démaillée par Roland Barthes dans Critique et vérité (Paris, Seuil, 1966, p. 14).

[14] Parmi les œuvres qui permettent sans difficulté de repérer cet aboutissement, la plus extrême est peut-être Among the Believers. An Islamic Journey (1981), outre les diverses déclarations publiques qui ont circulé dans les médias.

[15] Pour le développement de cette tension, génératrice, je renvoie à l'avant-propos de la seconde édition des Lieux de la culture [1ère édition 1994] : « Ce qui m'a surtout intrigué dans les romans de Naipaul, c'était que sa fiction pouvait être lue contre l'intention et l'idéologie de l'auteur » ( The Location of Culture, trad. Françoise Bouillot, Paris, Payot, 2007, p. 12). 

[16] Roman de J.M. Coetzee, qui obtient le prix littéraire le plus prestigieux du monde anglophone, le Booker Prize, en 1999. Succès littéraire « international », mais scandale national, autour de ce récit bâti sur le motif narratif sans rédemption d'un viol d'une femme blanche par un homme noir – motif profondément provocateur dans le contexte des réparations symboliques radicales nécessaires à la réalisation de l'utopie « nation arc-en-ciel », et pourtant produit par un auteur au capital idéologique anti-apartheid jusque-là impeccable. Le scandale indique une réception du texte comme ce qu'on pourrait appeler, en renversant la formule de Jameson, une allégorie antinationale. La naturalisation australienne de l'auteur, quatre ans plus tard, a été perçue comme le prolongement et la confirmation de cet antinationalisme.

[17] Coetzee, universitaire spécialiste de linguistique et de littérature, développe cette réflexion sur la catégorie grammaticale de la voix moyenne, à partir de « A Note on Writing », essai de 1984 (in : Doubling the Point. Essays and Interviews, édité par David Attwell, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1992, pp. 94-95.

[18] J.M. Coetzee, « He and His Man », http://nobelprize.org/nobel_prizes/ literature/laureates/2003/coetzee-lecture-e.html, consulté le 24 juillet 2010. On se rappellera également que Coetzee écrit ses œuvres autobiographiques à la troisième personne, depuis Youth (2002).

[19] Samuel Beckett, Le Dépeupleur, Paris, Minuit, 1970.

[20] Arthur Rimbaud, Lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871, in : Œuvres complètes, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1972, p. 252.

[21] Samuel Beckett, « La peinture des van Velde ou le Monde et le pantalon », in : Disjecta. Miscellaneous Writings and a Dramatic Fragment, Ruby Cohn ed., New York, Grove Press, 1984, pp. 119 et 125. 




POUR CITER CET ARTICLE

Claire Joubert, « L'intime du politique : poème, histoire, peuple », Le Texte étranger [en ligne], n° 8, mise en ligne janvier 2011. URL : http://www.univ-paris8.fr/dela/etranger/pages/8/joubert.html